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Nation moderne entourant un désert nourricier, l'Australie est un pays à conquérir, une terre des rêves tenaces et des grandes espérances. Dans l'imaginaire planétaire, le continent austral aurait-il succédé à l'Ouest américain ? Les pionniers du XIXe siècle dirigeaient leurs chariots vers Santa Fe ou San Francisco. Ceux du XXIe siècle vont-ils voler vers Melbourne et Sydney ? « Go south, young man ! » Pays vide, riche de son avenir, l'Australie ressemble à la dernière frontière.
Terre de l'ambition, mais aussi de la douceur de vivre. Tout en bas du monde, les règles seraient-elles inversées ? Dès le milieu de l'après-midi, aux environs de Sydney ou de Melbourne, les surfeurs quittent leur travail et viennent, été comme hiver, défier la vague. Ils ne sont pas les seuls à prendre du plaisir. A 18 heures, à Sydney, les bureaux de la City sont déserts et le métro automatique aérien tourne à vide. Pionniers, mais sans heures sup... Personne ne craint ici pour son emploi. Restaurants et magasins ont scotché des affichettes, cherchant en vain de la main-d'oeuvre.
Pour se prouver qu'ils sont un pôle du siècle nouveau, ils éditent des mappemondes à leur façon. Sur George Street, principale artère de Sydney, comme dans le moindre bourg minier à plusieurs heures de piste d'une vie normale, on trouve ces planisphères où non seulement l'Australie figure au centre mais la représentation des pôles a été inversée, le Sud en haut, le Nord en bas. L'Atlantique-Nord, centre du monde des vieux colons, est éclaté aux deux bords inférieurs de la carte. La légende proclame que le Nord a été placé en haut par les premiers explorateurs européens et que plus rien ne justifie un tel arbitraire.
A tondre des millions de moutons ou tout simplement à vivre sans contrainte, les Australiens n'ont découvert que tardivement leurs gisements touristiques. Ils commencent seulement à exploiter les nombreuses destinations et les climats variés disponibles tout au long de l'année. .Les Australiens ont beau retourner les cartes dans tous les sens, leur île-continent reste loin, très loin des grandes routes du globe.
A ce décor de rêve, pourtant, il y a un envers. Dans ce bush tant célébré, les Australiens ne mettent que rarement les pieds. La quasi-totalité de la population est regroupée sur le boomerang côtier Brisbane-Sydney-Melbourne-Adélaïde. Chacun est le bienvenu en Australie ? Voire. Les hommes d'affaires prêts à investir 500 000 dollars australiens sont fêtés. Pour les autres, le gouvernement a réduit le nombre d'immigrants . Le ministère de l'Immigration diffuse des films où les requins et les crocodiles d'eau salée, capables de noyer un cheval, jouent les premiers rôles pour dissuader les clandestins en provenance d'Asie. Les Européens à la recherche de la dernière frontière ne doivent pas non plus nourrir d'illusions après l'expiration de leur visa de travail temporaire. « Les Australiens sont plus sévères que les Américains. Les services d'immigration ont accès aux comptes bancaires afin de voir si vous touchez de l'argent en Australie après l'expiration de votre visa », note un expatrié. Enfin, au nord, vers Darwin, les Australiens ont érigé des camps de rétention qui filtrent les postulants asiatiques.
L'Australie a pourtant besoin de main-d'oeuvre : serveurs, mécaniciens auto, infirmières et surtout informaticiens. Le pays a profité pleinement d'internet. Pour abolir les effets des incroyables distances mais aussi pour afficher leur modernité. Et, à bien des égards, elle peut revendiquer une différence culturelle et une véritable modernité sociale : le pays est basé sur un égalitarisme obsessionnel issu du mateship, la solidarité entre les premiers colons. Elle fournit, entre autres, une véritable Sécurité sociale et un système de retraite par répartition (n'excluant pas les fonds de pension). Mais le prix à payer est important. Les impôts, prélevés à la source, sont très lourds et les Australiens doivent acquitter la GST, TVA locale à taux unique (10%) sur tous les produits. Brutal.
Toujours sur le plan social, Sydney est la capitale la plus gay du monde et montrera plus encore pendant les JO son ouverture en exposant de superbes peintures des premiers habitants du continent. Dans les centres urbains, les Aborigènes s'entassent dans des banlieues minables où les mômes sniffent du pétrole dans des canettes de Coca, le seul rêve qui leur soit concédé. A Alice Springs et ailleurs, sur leurs propres territoires, ils errent pieds nus au milieu des touristes, avec l'infinie tristesse des peuples perdus.