Alanguie face au volcan Misti, arrosée par le fleuve Chili, coincée entre désert et sierra, Arequipa, seconde ville du Pérou, luit d'un blanc étincelant. Construite en pierre de lave volcanique, elle fut fondée par les conquistadores espagnols en 1540. Longtemps enclavée, isolée au sud du pays jusqu'à la construction d'une voie de chemin de fer la reliant à Lima, cette ville d'artistes, de poètes, d'écrivains (Vargas Llosa y a vu le jour) est aussi le lieu de naissance d'Abimael Guzmán, chef historique du Sentier lumineux (groupe maoïste révolutionnaire qui fit plus de 35 000 morts, fonctionnaires et paysans).
Sous son charme provincial et ses airs languides, Arequipa a le sang chaud. Rebelle et fougueuse, elle a été de tout temps le terrain de bras de fer historiques face au gouvernement central. Comme en juin 2002 où ses habitants, hostiles à la privatisation de deux compagnies d'électricité, bloquèrent la ville, provoquant l'état d'urgence. Ici, on parle volontiers de «république indépendante». Il existe même, pour le folklore, un passeport de la cité et de fausses pièces de monnaie représentant le mont Misti. Raffinée et mondaine, la bonne société aréquipègne garde ses privilèges. Et ses habitudes. Elle se retrouve tous les samedis au Club, près de la Plaza de Armas, où, dans les vapeurs de whisky et les volutes de cigares, on discute politique, organise ses escapades extraconjugales ou ses réseaux de contrebande.
Tout, ici, rappelle la colonie. Les visages, les rues, les couvents, les monastères. Si la région fut touchée par un grave tremblement de terre en juin 2001, la cité a gardé toute sa beauté. Il faut se perdre dans les ruelles, sous les arches et les rangées d'arcades des vénérables maisons patriciennes. Dans les églises, les anges ont des visages d'Indiens et sont coiffés de plumes. Les saints sont entourés d'un décor tropical où s'ébattent des perroquets. Un art métisse baroque que l'on retrouve au couvent de Santa Catalina, l'un des édifices les plus fascinants du Pérou. Ouvert au public après quatre cents ans de fermeture au monde extérieur, cette citadelle se découvre par un dédale de patios, placettes, jardins et cloîtres ornés de fresques séparés par des rues aux murs roses et bleus. L'archange San Miguel, peint par Zurbarán, est représentatif, comme bien d'autres oeuvres du XVIIe siècle, du style des grands maîtres de l'école de Cuzco. Une trentaine de religieuses y vit encore.
Calme en semaine, Arequipa s'anime le week-end. Les touristes boivent du pisco dans les nombreux bars de l'avenue San Francisco, tandis que les locaux préfèrent l'avenida Dolores et ses boîtes de musique live afro-péruvienne. Eloignées du centre, les banlieues de San Lazaro, Cayma et Yanahuara disposent d'une vue magnifique sur la vallée et les volcans Misti et Iquitos. Bien plus haut, à quatre heures de route à travers l'altiplano, le canyon de Colca (le plus profond du monde), avec ses gorges qui atteignent plus de 300 mètres de dénivelé, est d'une beauté à couper le souffle. Depuis des siècles, les mêmes brumes s'accrochent à ses falaises abruptes. Des bataillons de cactus montent la garde devant une succession de cultures en terrasses incas et pré-incas s'offrant dans toutes leurs nuances de vert. La «vallée des merveilles», comme l'appelle l'écrivain Mario Vargas Llosa.