Cette « silicone allée » de Séoul qui file du stade olympique vers la station de métro Gangnam a aussi une valeur hautement stratégique : elle marque l’une des frontières du nouvel arrondissement à la mode. Il y a vingt cinq ans, la rive sud du fleuve Han ne valait pas le détour. Il a fallu la tenue des Jeux olympiques d’été en 1988 pour changer la donne.
Depuis, la capitale coréenne, qui compte aujourd’hui 14 millions d’habitants (le quart de la population du pays), s’y est déployée. Et l’arrondissement de Gangnam est devenu une des références du pays, du moins dans le rectangle d’or entre la berge sud du fleuve et le boulevard Teheranno. La jeunesse dorée de Séoul a pris ses aises sur cette rive gauche avec pour points d’ancrage le quartier autour de la station de métro Gangnam et surtout celui d’Apgujeong.
Ce dernier, avec ses restaurants en vue, ses discothèques et ses boutiques branchées, est l’endroit où se font et se défont les modes coréennes. Les créateurs locaux et les grandes marques internationales (Louis Vuitton, Missoni, Gucci, Versace...) ont pignon sur rue.
C’est le lieu où les Séoulites font assaut d’élégance. Celui qu’il ne faut pas manquer pour comprendre comment en quelques années la Corée, repliée sur elle-même, s’est ouverte sur le monde. Entre des tours de verre et d’acier et de jolies villas, l’Est a ici rendez-vous avec l’Ouest. Les cultures et les saveurs du monde s’y brassent : une tendance actuellement renforcée dans toute la capitale par la tenue de la Coupe du monde.
Au nord du fleuve, la rive droite revendique ses traditions malgré la présence de nombreux buildings entre les musées, les palais royaux, les marchés, le quartier d’Insadong (le coin des antiquaires et des artistes) ou encore la Maison bleue, la demeure du président coréen. Mais pour passer d’une rive à l’autre, il faut s’armer de patience. Les ponts, pas moins d’une vingtaine, qui enjambent le fleuve Han, sont en permanence saturés sauf durant la nuit et les embouteillages, cauchemardesques.
Pourtant, la ville a laissé l’automobile façonner le paysage à coups de tunnels, voies sur berges, autoroutes urbaines à douze voies, Toboggan, échangeurs... Mais rien n’y a fait. Du coup, mieux vaut utiliser le métro d’autant que ses passages souterrains sont de véritables galeries marchandes, jadis creusées pour abriter la population en cas d’attaque de la Corée du Nord dont la frontière est à moins de 45 minutes de route.
Des deux côtes du fleuve, les Séoulites ont su conserver une vie de quartier avec ses us et coutumes. Y compris dans les endroits récemment construits. Les marchands ambulants ont été les premiers à recréer cette ambiance si particulière du commerce de rue qui soude un voisinage. Les bains publics (mog-yoktang) sont également présents partout. Ils sont facilement reconnaissables pour les Occidentaux grâce à leur enseigne, un bol fumant très stylisé.
Là, hommes et femmes séparés se livrent à une version extrême-orientale du hammam avec friction au gant de crin et massage à la demande. Un rituel auquel il faut satisfaire pour l’équivalent de quelques euros et qu’il ne faut pas confondre avec les « barber shops » aux enseignes tournoyantes et aux massages plus coquins. Eux aussi ont essaimé dans les nouveaux quartiers.