
Pourtant, la population passe de 8 500 habitants l'hiver à 32 000 l'été, avec un pic à 45 000 autour du 15 août. C'est à cette époque que de nombreux Parisiens, Lyonnais ou Grenoblois «descendent» en famille retrouver leur villa de Bellevue ou de Bois Maurin. Pour ces vacanciers, un seul mot d'ordre : fuir les touristes et leurs sentiers battus. «Ces estivants recherchent à la fois une qualité météorologique et une qualité de vie. Ils sont discrets et tiennent à leur tranquillité», confirme le maire de Bandol. Alors pas question pour eux de s'aventurer sur les sentiers pédestres du littoral, pourtant jalonnés de multiples calanques. Trop de monde.
Eau turquoise
Créé sous la Révolution par l'administration des Douanes afin de déjouer les trafics des contrebandiers, tombé en désuétude au début du XXe siècle, le sentier du littoral a été réhabilité . Mais pour les Bandolais d'adoption, la pittoresque balade de 12 km qui mène jusqu'à Saint-Cyr-sur-Mer attendra septembre, quand les vacanciers les moins réguliers seront partis. D'ici là, les fidèles investissent les coins plus tranquilles. Leur préféré : Bendor, une île minuscule reliée à la ville par une traversée de sept minutes. Propriété de Paul Ricard depuis 1950, ce rocher de 7 ha, interdit aux voitures, est le lieu idéal pour fuir l'agitation (relative) du centre-ville. D'autant qu'aucun des deux hôtels présents, le Delos et le Soukana, actuellement fermé pour rénovation, ne propose d'accès direct à la plage. Les hordes de touristes ne sont donc pas à craindre...
En longeant sa côte escarpée, d'où l'on aperçoit de temps à autre d'adorables petites criques au creux desquelles scintille une eau turquoise, on fait vite le tour de l'îlot. Paul Ricard, qui ambitionnait autrefois d'en faire une «petite villa Médicis», y accueillait des amis artistes comme Dali.
Sur la plage de sable fin, des vacanciers paressent sur leurs transats. Entre une application de crème solaire et une gorgée de boisson fraîche, ces «clients de vingt ans» hument avec délice le fumet du barbecue, sur lequel sardines, loups, dorades et gambas grésillent avant de rejoindre les assiettes.
L'endroit est tranquille, certes, mais suffisamment «sophistiqué» pour que les Bandolais chics en fassent un de leur QG, du 1er mai au 15 octobre, et s'y donnent rendez-vous avant d'aller dîner, loin de ces restaurants du port «où vont les touristes». Leurs lieux de prédilection : La Marmite, dans la calme ruelle Félicien-Fabre, La Table du marché, derrière la mairie, ou La Chipote, dans la baie isolée de Renécros, au-delà de la corniche Bonaparte.
Vue splendide sur la mer
«Parfois, nos enfants viennent nous rejoindre à Bendor, mais le plus souvent ils s'occupent ailleurs»,indique Andrée, Stéphanoise habituée de la commune. Ailleurs, c'est le club de voile, fleuron de Bandol avec près de 30% d'adhérents parisiens pendant la période estivale. Si les tout-petits découvrent le Jardin de la mer, un programme qui les familiarise avec le milieu marin, les plus grands affectionnent les stages de catamaran et de planche à voile. Les adultes, eux, s'adonnent à la plaisance, aux promenades en bateau à moteur jusqu'à Porquerolles ou Cassis, ou encore au golf, en bordure des vignes de Bandol et des champs d'oliviers. C'est dans cet endroit entouré de pins, de rocailles et de buissons odorants que se niche le green de Frégate. En plus d'offrir une vue splendide sur la Méditerranée, ce 15 trous est «parfaitement intégré dans son élément naturel». Un point hautement important pour Thibault qui, chaque mois de juillet, y entraîne, un jour sur deux, sa femme et ses jumeaux de 15 ans. «C'est l'un des plus beaux parcours d'Europe», souligne-t-il. Et heureusement qu'il est là. Car Bandol, sinon, serait désespérément tranquille...
«Nous avons une importante population de gens assez âgés», indique délicatement le maire. «Une ville de retraités», ironise un résident. Autant de résidents à ménager, en tout cas. La preuve : les boîtes de nuit du centre-ville ont fermé, excepté le Black Jack, le dancing du casino. La raison selon certains habitants : le service de ramassage nocturne des bouteilles vides consommées dans les night-clubs occasionnait trop de nuisances sonores et la municipalité aurait fini par prendre en compte la pétition des riverains. Les jeunes comme Rafaël, 22 ans, ne se réjouissent pas de la mesure. Pour eux, le Black Jack, ce n'est pas le top : «Mes copains et moi, on préfère aller au Maï-Taï, une discothèque de Sanary, à 5 km, où la clientèle est plus jeune.»
D'après Virginie, Bandolaise de souche, la ville envisagerait une autre initiative antibruit : la délocalisation des «baraques à sandwichs», présentes dans le centre-ville depuis trente ans. «C'est dommage, déplore-t-elle, elles représentaient un gros pôle d'attraction pour la jeunesse.» Martine, en revanche, s'en réjouit : «Ceux qui veulent des vacances trépidantes sont libres d'aller à Saint-Tropez !»