Sur les bords de la Neva, la flèche redorée de l'Amirauté s'élève à n'en plus finir pour communier avec le ciel, symbole de Saint-Pétersbourg. Elle est précieuse pour le promeneur puisqu'il ne la perd pratiquement jamais de vue.
À l'époque de Pierre le Grand, elle signalait le chantier naval. Le tsar entendait déployer la ville à compter de ce point zéro. Une large avenue conduisait (à travers bois) à la Laure Alexandre Nevski. Aujourd'hui, la perspective Nevski traverse la ville sur plus de 4 kilomètres, jusqu'aux coupoles bleues de la Sainte-Trinité, l'église du monastère où sont abritées les reliques de Nevski devenu saint.
Comme au temps de Gogol, " il suffit de mettre le pied sur la perspective pour n'y plus respirer qu'un parfum de promenade ". La portion élégante de l'avenue prend son départ à l'Amirauté. Après le pont Anitchkov, sur lequel deux paires de chevaux en bronze et leurs dompteurs montent la garde, la Nevski comme on l'appelle, perd de son allant.
Dans les galeries marchandes du Gostinny Dvor, en face du Grand Hôtel Europe, les références du chic occidental sont à l'honneur, limousines et belles en fourrure comprises. Le constant va-et-vient qui anime cette partie de la Nevski (trois stations de métro débouchent à proximité) est justifié par la densité des magasins. Les églises aussi y sont légion. Notre-Dame-de-Kazan, transformée par Staline en musée de l'athéisme, abritait une icône de la Vierge réputée protéger les Romanov. À quelques pas, une coquette petite église bleue et blanche est blottie entre deux immeubles : il s'agit de Sainte-Catherine, dévolue à la communauté arménienne.
De l'autre côté de l'avenue, se côtoient une église réformée hollandaise, un temple luthérien et une église catholique, également dédiée à sainte Catherine. Étonné, Alexandre Dumas (in Voyage en Russie) baptisa la perspective Nevski " la rue des tolérances religieuses ". Le pont Kazanski Most enjambe alors le canal Griboïedov. Le suivant franchit la Moïka. Le palais Stroganoff décoré de colonnes et de cariatides se dresse à l'angle. La postérité a retenu comment l'un des cuisiniers du palais accommodait la viande de boeuf.
En délaissant la Nevski pour longer les quais de la Moïka, voici le palais Youssoupoff. Raspoutine y a été assassiné. Un musée restitue la scène, entouré de salons restaurés avec brio. En sortant, gagner la place Saint-Isaac. Nicolas Ier, à cheval, regarde la cathédrale. Il impressionne moins que le Cavalier d'Airain, la statue équestre de Pierre le Grand juchée sur un bloc de granite, en bordure de la place du Sénat. Catherine II aussi trône en bronze, mais entourée de ses favoris, place Ostrovski (en direction de la Nevski).
Longer enfin les quais de la Moïka jusqu'à l'ancien palais d'hiver dont l'assaut en octobre 1917 a sonné le glas de l'empire. Sur la place, la colonne Alexandre est signée Auguste Montferrand et commémore la victoire des Russes en 1812 sur Napoléon. Quelques centaines de mètres suffisent alors pour retrouver les bords de la Neva. Juste en face, sur l'île aux Lièvres, une flèche dorée domine la forteresse Pierre et Paul. Désormais, le tsar y repose au milieu de ses successeurs. En 1998, elle accueillit en effet les sépultures de Nicolas II et des siens. Une manière d'hommage que la ville rend à ses fondateurs.
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