Vous pouvez facilement combiner votre voyage au Québec avec la découverte de la nature.
À 37 ans, ce solide gaillard règne sur une immense zone de pêche, nichée au coeur d'une gigantesque forêt, et accessible uniquement par la voie des airs. S'étendant sur des milliers d'hectares, elle comporte quatre grands lacs : Manitou, Canot, Brézel et le lac des Eudistes, reliés entre eux par la rivière Manitou. Vu du ciel, l'ensemble forme un ruban gris-bleu long d'une centaine de kilomètres qui serpente dans un décor de collines et de petites montagnes.
Dans ces eaux froides et claires, la truite mouchetée, plus connue en France sous le nom de saumon de fontaine, est reine. Ses flancs sont ponctués de taches rouges entourées d'une auréole bleue et, à l'approche de la période de fraie (mi-août - début septembre), la couleur du ventre et des nageoires inférieures vire au rouge-orangé. Son poids, qui peut atteindre 10 livres, en fait un trophée très recherché par les pêcheurs canadiens et américains. " Notre record est de 7,50 livres ", précise Louis Laurin.
Ici, la journée commence à 7 heures tapantes par un solide petit-déjeuner. Indispensable avant une longue journée de pêche. Au menu : oeufs au bacon, saucisses, haricots au lard, crêpes, toasts, confitures diverses et, bien sûr, sirop d'érable. À 8 heures précises, les guides attendent les clients dans des barques confortables où des sièges pivotants ont été installés. Tout le nécessaire (cannes, appâts, boissons diverses, thermos de café...) est déjà embarqué. Le puissant moteur Yamaha vrombit.
En route vers le lac du Canot. Premier coude de la rivière, première surprise. Un ourson brun se promène tranquillement le long de la berge. L'embarcation ralentit pour permettre de mieux l'admirer. Mais pas question de mettre pied à terre. Cela risquerait de déclencher la colère de sa mère qui rode certainement dans les parages. Dans le ciel, un aigle-pêcheur tournoie, attendant le moment propice pour fondre sur sa proie. Et sur un banc de sable on aperçoit la profonde trace du pied d'un orignal, l'élan local.
En vue du lac, le cours d'eau s'élargit et devient plus profond. " On va troler ", annonce Bernard, la pêche à la traîne version canadienne. Cette technique, pratiquée avec l'aide d'un échosondeur, est couramment employée en Amérique du Nord mais interdite en France, sauf sur quelques grands lacs
. Le guide sort d'une boîte un très gros ver de terre et l'accroche à l'hameçon simple d'une cuillère ondulante, lequel ressemble d'ailleurs plus à un crochet de boucher... Au Canada, tout est, il est vrai, à une autre échelle qu'en Europe. Le Québec n'est-il pas, à lui seul, trois fois plus grand que la France ?
En tout cas, une fois ferrée, la truite mouchetée ne risquera pas de se décrocher. Les lignes sont mises à l'eau et la barque redémarre à petite vitesse en effectuant des " S " dans la rivière. Il faut être prêt à stopper le moteur pour éviter, si un poisson est pris, que la ligne, tirée des deux côtés, ne casse brutalement.
Mais cette première tentative est vaine. Changement de technique en arrivant sur le lac. " On va caster " (pêcher au lancer), indique Bernard, qui n'hésite pas à passer d'un poste à l'autre quand cela ne veut pas mordre. Cette stratégie se révèle rapidement payante. Plusieurs poissons, de taille moyenne, sont attrapés. Mais le nombre de prises étant limité, la plupart sont relachées dans l'eau, sans même être remontées à bord. Car ce que les pêcheurs visent, c'est " du gros ".
Vers midi, halte au camp du lac Brézel, une petite cabane aménagée de manière rudimentaire, mais bien utile. La chaleur du poêle, rapidement allumé, permet à chacun de se réchauffer après avoir essuyé une forte averse et de sécher veste et cuissard. Après un repas froid, l'après-midi démarre par une partie de pêche, toujours en barque, à l'omble chevalier.
La technique employée est totalement différente de celle utilisée pour la truite mouchetée. Pratiquement posée sur le fond du lac, l'extrémité de la ligne est agitée de petits mouvements saccadés du poignet dans l'espoir que ce beau poisson vienne mordre à l'hameçon. Peine perdue...
La journée est maintenant bien avancée. Déçu du piètre résultat obtenu, d'autant plus qu'une superbe truite mouchetée a été prise par une autre équipe de pêcheurs, Bernard décide d'utiliser les grands moyens. Il sort son arme " anti-bredouille ", une cuillère ondulante rectangulaire, de couleur jaune et rouge, à laquelle est accroché un hameçon de belle taille. À petite vitesse, l'embarcation passe au peigne fin les bords du lac Brézel puis remonte la rivière Manitou. Soudain, une ligne se tend. Le ferrage est rapide et parfaitement effectué. Mais il faut donner du mou car le poisson tire beaucoup. Le combat sera bref mais intense. Cette fois, pas question de remise à l'eau, la prise est trop belle.
Le retour à la pouvoirie se fait le coeur léger. Sur place, les deux autres bateaux sont déjà à quai. C'est maintenant l'heure de vérité, celle de la pesée. La grande aiguille de la balance placée au pied de l'escalier menant au chalet principal rend son verdict : 3,70 livres contre plus de 4 livres. " L'équipe " de Bernard est battue, mais qu'importe, tous les pêcheurs sont contents. Les guides aussi. Le pourboire sera conséquent... Le soir, au dîner, les commentaires vont bon train. Car, et c'est ce qui fait une grande partie de son charme, une partie de pêche ne s'arrête pas dès que la canne est rangée.
Les chevaliers de la gaule aiment discuter des coups, réussis ou ratés, de la journée, et surtout raconter leurs souvenirs, quitte souvent à les enjoliver. Mais la soirée ne s'éternisera pas. Demain, une nouvelle journée riche en émotions les attend, et le départ est toujours fixé à 8 heures.
(1) Une pourvoirie est un domaine de pêche, de chasse ou simplement de villégiature situé en pleine forêt. Le Québec en compte 700, et les lieux d'hébergement vont du modeste chalet à l'auberge luxueuse.