Propre, disciplinée, aseptisée: telle apparaît, de loin, la grande ville asiatique. On la soupçonne d’engendrer le mal de vivre et l’ennui. Un cliché qui s’efface dès la sortie de l’aéroport, lorsque la voiture s’engage sous un tunnel de verdure, révélant que Singapour, ville à la modernité artificielle, est aussi une cité-jardin tropicale. Bien vite, on prend conscience que c’est le lieu de tous les métissages. Que la foule fiévreuse qui anime les rues offre bien des visages: Malais, Chinois, musulmans, hindous, peuples d’ascendance européenne, tous ont laissé ici quelque chose de leur culture, faisant de Singapour la vraie cité globale du xxie siècle. Little India, Arab Street, Chinatown ou la très britannique Orchard Street… les noms des différents quartiers en témoignent, tout comme les cartes des restaurants où se juxtaposent toutes les saveurs planétaires. Pour les «fashion victims», Singapour est une Mecque du shopping. Mais on préférera aux luxueux centres commerciaux les jardins botaniques, admirables. Comme le jardin des Orchidées regroupant plus de 2000espèces de ces végétaux mystérieux. Etranges fleurs aux nuances rares, plantes aux racines aériennes qui se nourrissent de l’air ambiant et semblent voltiger comme des libellules… certaines sont baptisées du nom de personnages célèbres, et la place d’honneur est réservée à l’orchidée Vanda, l’emblème de Singapour. Une escale qui s’impose au cours d’un périple asiatique.
«Tokyo-Ga»
Impossible de ne pas évoquer le regard de Wim Wenders ou les images des films d’Ozu, lorsqu’on prend pied pour la première fois au pays du Soleil-Levant. Malgré son activité trépidante, la grande capitale de l’Asie a su garder, peut-être à cause de la politesse et de la discipline de ses habitants, une véritable qualité humaine. D’autant que Tokyo change: les Japonais semblent arrivés au bout du cycle, entamé avec les Jeux olympiques de 1964, qui a métamorphosé leur pays. Au-delà de la consommation frénétique, une génération découvre la valeur des choses anciennes: vêtements «vintage» qui ont une histoire, maisons traditionnelles rénovées par de jeunes entrepreneurs qui lancent les nouveaux lieux à la mode.
Il faut flâner sur les marchés aux puces, nombreux autour des temples, ou dans le quartier de Daikanyama, qui n’est pas sans rappeler le Camden londonien des années 1980, avec ses boutiques parfois insolites, ses cafés qui se voudraient dans l’esprit d’un Saint-Germain-des-Prés fantasmé. Ou encore, le samedi, sur les trottoirs d’Omote Sando, haut lieu des tendances, entre Aoyama et le parc de Yoyogi. Et dans le nouveau quartier de Roppongi Hills, une sorte de laboratoire où s’invente la ville du futur.
Des peuples hauts en couleur
Au pied du mont Fan Si Pan, dans cette partie du Viêtnam aux confins de la Chine, où les rizières en terrasses ont remplacé les champs de pavots, la petite ville de Sapa a gardé son charme colonial. Dans cette atmosphère humide et brumeuse, ce fut jadis le refuge des Français loin des étés torrides de Saigon ou de la moiteur de Hanoi. Aujourd’hui, c’est un monde préservé de paysages admirables et de peuples hauts en couleur. C’est en 4x4, à moto, ou mieux encore à pied, qu’il faut découvrir ces régions et leurs minorités ethniques. Les Hmongs, dits «noirs» ou «bariolés», les Yaos coiffés de rouge vivent dans des maisons de bois ou de bambou au sol de terre battue, de la culture du riz et parfois encore du pavot. On les croise sur le marché du samedi soir à Sapa, lieu d’échanges de marchandises, mais aussi de rencontres matrimoniales, régies par des règles très précises. On peut leur rendre visite dans les villages; tout en déplorant la façon navrante dont les autorités chargées du tourisme les «protègent», comme dans un parc d’attractions avec péage à l’entrée pour les cars de visiteurs étrangers. L’auberge de jeunesse Victoria est une étape de charme à la française, avec son décor de bois, de pierre et de textiles réalisés par des artisans locaux. Les jours pluvieux, on s’y réconforte d’un vin chaud et d’une fondue au fromage sous influence suisse. Chaleureux et insolite.
Flores, au-dessous des volcans
Le vert éclatant des rizières en terrasses enchâssées dans les vallées, le brun foncé des grains de café dorés par le soleil, étalés le long des sentiers de montagne, les dents rouge sang des femmes qui chiquent du bétel en tissant leurs étoffes d’ikat, l’éclat argenté des poissons séchant sur les étals face à l’océan Indien… L’île de Flores est un festival de couleurs dans un relief spectaculairement tourmenté. Elle tient son nom des navigateurs portugais qui, émerveillés par la beauté de sa végétation, la baptisèrent Cabo das Flores, le «cap des Fleurs». C’est un devoir sacré de gravir avant l’aube les pentes du Kelimutu pour assister au lever du soleil sur ce volcan aux trois cratères, dont les lacs intérieurs ont chacun des couleurs différentes et inexplicablement changeantes. On dit que les âmes des ancêtres y reposent. Il n’est pas rare de voir les chefs des villages se rendre de nuit sur cette «montagne qui fume» pour lui offrir poulets et têtes de cochon. Flores est pourtant l’unique enclave catholique dans le plus grand pays musulman du monde. Mais malgré les missionnaires portugais puis hollandais, le catholicisme n’a jamais réussi à éliminer les pratiques animistes des différentes ethnies. Un drôle de syncrétisme qui marie messe du dimanche et culte des ancêtres, baptême et sacrifice d’animaux. Exemple frappant de la singularité indonésienne.