Entre La Rochelle et la pointe de Sablanceaux, la courbe harmonieuse d'un pont, qu'il suffit de passer pour rejoindre quatre îlots, peu à peu soudés par les alluvions et les digues: l'île de Ré. Moins de trente kilomètres de long et cinq de large au plus. Ouverts à fleur d'eau sur l'espace, ses paysages se fondent dans une lumière exquise, à la fois nuancée et radieuse. Aux détours de cette fragile langue de terre, les couleurs composent d'emblée une harmonie paisible et discrète. Ici, des bourgs alignent leurs maisons de poupée. Là, des hectares de vignobles glissent doucement vers la mer. Ailleurs, les marais salants miroitent aux mouvances du ciel. Pour s'y balader, rien de tel que la bicyclette, petite reine de quelque 100 km de pistes confortables. Entre réserve naturelle et plages, cap sur le bois de Trousse-Chemise.
Au-delà du cossu village d'Ars-en-Ré, autrefois capitale du sel, s'étend la géométrie d'anciens marais, convertis depuis 1980 en un paradis ornithologique protégé de la houle et du vent: la réserve de Lilleau des Niges. Un monde de transparence et de calme uniquement peuplé d'oiseaux. Ou plutôt de milliers d'oiseaux résidents ou migrateurs. La piste cyclable longe les lieux. Dans l'air ouaté de brume du matin ou la tiédeur paisible d'une fin d'après-midi, jumelles en main, on y observera à loisir des petites colonies d'échasses blanches, sternes Pierregarin et avocettes élégantes, des mouettes rieuses, des aigrettes ou de ravissants gorges bleues... Arrêtez-vous aux points d'observation gratuits installés par la Ligue pour la protection des oiseaux, qui gère et anime la réserve. Un bénévole vous y fera partager sa science et sa passion (1).
Avant de rejoindre la mer, laissez-vous glisser jusqu'au «bout de l'île», aux Portes (2), le plus huppé des villages rétais... . Repaire préféré et jalousement protégé des hommes politiques et des artistes de tous bords, il abrite dans ses venelles étroites envahies de roses trémières, de discrètes maisons aux murs chaulés de blanc et aux volets verts ou bleus, des jardins ceints de hauts murs. Sur sa petite place, le marché du matin mêle à souhait visiteurs anonymes et habitués célèbres...
À quelques encablures, sur les dunes basses qui bordent la côte, entre pinède et tamaris, l'ambiance se fait méditerranéenne. Une échappée du Gulf Stream tiédit la mer. Près de la pointe du Fier, l'étonnant Banc-du-Bûcheron où les Rétais viennent volontiers pique-niquer déroule deux fois par jour à marée basse l'or pâle de ses sables, donnant aux plages des airs d'atoll. Devant la jetée de la Patache, l'eau prend d'évanescents reflets de mers du Sud. C'est dans cet écrin teinté d'exotisme que la forêt domaniale de Trousse-Chemise déploie les secrets de ses sentiers. Son nom? Peut-être hérité de l'époque où l'on pouvait traverser le Fier à pied. À coup sûr immortalisé par la chanson de Charles Aznavour.
On y flânera sous les pins parasols, chênes verts et peupliers argentés. Mais aussi, plus insolites dans le paysage, les mélèzes, cèdres, cyprès et chênes, qui composent un arboretum miniature. L'été voit s'y épanouir les belles corolles jaunes de l'onagre et de la molène. Le panicaut des dunes, devenu l'emblème du Conservatoire du littoral. L'immortelle, au parfum épicé de curry. L'éphédra ou raisin des mers aux petites baies rouges, la duveteuse lagura ou queue-de-lièvre... Les oiseaux y ont aussi leurs habitudes, tels la huppe fasciée et le faucon hobereau, les mésanges et les rouges-gorges. Et quand tombe la nuit, les hiboux moyen et petit-duc, ainsi que l'étonnant engoulevent d'Europe. Un parfait prédateur que seul trahit son chant, rappelant le bruit d'une mobylette...
(1) Voir la Maison du Fier (05.46.29.50.74) qui organise 3 à 4 promenades guidées par semaine (20 personnes max.). Adultes: 5,50 €, enfants: 3 €).
(2) Les Portes-en-Ré (05.46.29.62.71)