Il est 5 heures.
L'air est encore frais. La brume, qui s'attarde et s'accroche aux vertes collines alentour, enveloppe la cité dans un cocon opaque que seul le son des cloches, petite musique de l'âme, vient troubler. Les contours des toits à pans superposés, caractéristiques des temples de Luang Prabang, gardent pudiquement le voile. Enfin, les silhouettes en robe safran, fantômes improbables surgissant du brouillard, s'avancent en file...
Une quinzaine de femmes à genoux, attend le passage des lamas pour la traditionnelle quête du matin. Sous les yeux de quelques touristes silencieux, les mêmes gestes se répètent. Chaque moine défile en silence, ouvrant à peine sa drôle de petite boîte ronde en laque –un garde-manger portable –, pour accueillir une offrande de riz ou de fruits frais.
Déjà, la procession descend vers le Mékong. Une nouvelle journée peut commencer. Tranquille. Ici rien ne presse.
Doucement, le marché s'installe, patchwork coloré de légumes et de poissons juste pêchés dans la Nam Khan, bouffée de parfums d'herbes ou d'épices. Le cresson, à déguster en soupe, côtoie la citronnelle, quand le gibier fait de l'œil aux chanterelles. Et si les guirlandes de grenouilles ou de chauves-souris, maintenues ensemble par une ficelle, n'aiguisent pas l'appétit, les petits paniers de bambous tressés emplis de riz gluant et les viandes qu'on fera mariner dans du citron vert, avec une pointe d'ail et quelques feuilles de menthe, invitent à prendre un second petit-déjeuner dans l'une des bakery de Sisavang Vong, la rue où se concentrent boutiques, guest-houses et restaurants pour touristes. «Les habitants de Luang Prabang surnomment cette artère «le zoo à Falang», chuchote Seng, jeune guide francophone, dans un grand sourire. Les Falang ce sont les Occidentaux, bien sûr.» La population, on la comprend, n'est guère pressée de voir sa paisible bourgade transformée en bruyante destination touristique.
Venu, parfois en coup de vent, pour faire le tour des trente-deux temples ou «vat» qui auraient pu transformer Luang Prabang en musée, il succombe aux ruelles endormies exemptes de voitures, au parfum des fleurs de frangipaniers, aux restaurants de fortune improvisés au bord du Mékong, à la fière allure des Laotiennes qui conduisent d'une seule main moto ou bicyclette, tenant de l'autre un parapluie en guise d'ombrelle, au ballet des tuk-tuk (sorte de triporteur coloré aménagé pour transporter des passagers), à l'atmosphère surannée du musée du palais royal qui abrita le dernier souverain du Laos, à la splendeur du Vat Xieng Thong, sans doute le plus beau des temples de la ville avec sa façade décorée d'une mosaïque lumineuse représentant l'arbre de vie que cultivent les bouddhistes, aux sourires laos...
On voudrait être sage et visiter consciencieusement les trente-deux vats dans la journée, comprendre les différents styles architecturaux à la Maison du patrimoine, gravir les 328 marches qui séparent du sommet du mont Phousi, et patienter jusqu'au coucher du soleil sur le Mékong.
A moins de préférer s'abîmer dans la contemplation des pêcheurs sur la Nam Khan, à l'heure où la lumière se fait douce. Une rapide traversée du Mékong et voilà, juste dans les temps, le plaisir d'observer sur la rive opposée le jour qui décline sur la cité tandis que les villageois achèvent l'arrosage de leur potager.
La sagesse, à Luang Prabang, emprunte la voie de la paresse.
Une voix qu'on ne se lasse pas d'écouter. Un chant de sirène qui pousse à rester un peu plus encore. Et à promettre de revenir un jour. Visites alentours
Les grottes de Pak Ou sont un site sacré pour les Laotiens. Les plus religieux d'entre eux y ont déposé des siècles durant des statues du Bouddha, de toutes formes et de toutes tailles, à l'abri de deux cavités, Tham Ting et Tham Phum. Le site, peu entretenu, est décevant. Pourtant, l'impressionnante falaise qui domine le Mékong et la balade sur le fleuve méritent l'excursion. A environ 25 km de Luang Prabang, de nombreux bateaux effectuent la liaison, à raison de trois heures aller-retour jusqu'aux grottes de Pak Ou. En chemin, les guides proposent une halte au village de Ban Xang Haï. La production d'alcool de riz local, le lao-lao, y a cédé la place à une suite d'échoppes artisanales. A recommander à l'heure de l'achat des souvenirs. Le village de Ban Pakou en revanche (face aux fameuses grottes) est resté plus authentique, à condition de dépasser les petits restaurants du rivage. Les adeptes d'escalade profiteront des voies récemment ouvertes sur la falaise de Pha Hen, à l'embouchure de la Nam Ou. Elles sont toutefois réservées aux grimpeurs très expérimentés.
Par ailleurs, de nombreux ferries et autres bateaux remontent le Mékong jusqu'en Thaïlande.
C'est le cas du superbe Pak Ou, une embarcation longue de 17 mètres, tout habillée de bois, qui mène confortablement les passagers jusqu'à Huay Xai, via Packbeng. Le départ de Luang Prabang s'effectue en contrebas de l'auberge Calao, tôt le matin. Penser à un pull, les matinées sont fraîches sur le fleuve. Arriver largement avant le départ, histoire d'occuper les rares fauteuils en jonc tressés posés sur le pont. Le petit-déjeuner et le déjeuner se déroulent à bord. Le bateau fait étape pour la nuit à quelques brasses de Packbeng au Luang Say Lodge, un très bel ensemble de vingt bungalows construits sur le modèle des maisons laotiennes, avec une vue imprenable sur le Mékong, à savourer avec le (délicieux) dîner servi sur place. A partir de 150 € la croisière de deux jours entre Luang Prabang et Huay Xai ou inversement (1).
A 5 kilomètres au sud de Luang Prabang, sur la rive opposée, se trouve un petit village de potiers. On s'y fait déposer par une barque à moteur (entre 3 et 5 €), la traversée ne prenant guère plus d'un quart d'heure. Arriver dans la matinée car les artisans sont en plein travail. Ils ferment boutique à partir de 16heures mais l'animation et la lumière qui règnent alors dans le village justifient tout autant le déplacement.
Les chutes de Kwang Si et de Tat Se sont deux des merveilles naturelles de la région. Les premières, à 30 km de Luang Prabang, sont accessibles en tuk-tuk (compter une heure de route) ou en bateau. La balade est si belle que la location d'une petite mobylette (10 € la journée) vaut franchement la peine, pour pouvoir s'arrêter en chemin, au gré de son inspiration. La route traverse le charmant village khamu de Ban Tat Paen avant d'arriver au pied des chutes dans leur écrin de verdure.
Même si une grande partie des formations calcaires s'est écroulée lors de la dernière saison des pluies, l'endroit reste impressionnant. A défaut de prendre un bain, grimper au sommet de la cascade pour profiter du panorama. Les chutes de Tat Se, moins spectaculaires, n'en manquent pas moins de charme. Une série de formations calcaires sur plusieurs niveaux offre autant de bassins où il fait bon se rafraîchir dans une eau transparente. La route d'accès (N°13) est praticable à bicyclette, moto ou tuk-tuk. Compter 35 minutes jusqu'au village de Ban Aen. Là, une barque mène jusqu'aux chutes, 5 mn en amont.
(1) Tél.: 01.44.41.50.10
Préparez votre voyage
- Y aller. Il n’existe pas de vol direct entre France et Laos. Il faut obligatoirement faire escale en Thaïlande. Air France (tél. : 0 820 820 820) assure un vol quotidien au départ de Roissy pour Bangkok. Thaï Airways International (tél. : 01.44.20.70.80) également. Les vols partent à la mi-journée et arrivent au petit matin. Bangkok Airways (tél. : 0.66.22.65.55.55) assure ensuite un vol direct quotidien entre Bangkok et Luang Prabang. Possibilité, depuis Bangkok, de correspondance pour Chang Raï (au nord de la Thaïlande). Puis rejoindre le nord du Laos par la route ou en bateau.
Au départ de Bangkok, Lao Aviation (tél. : 00 856.21.21.20.51) assure une correspondance pour Ventiane deux fois par jour (compter 1 h de vol). De là, rejoindre Luang Prabang par avion ou par la route. Pour le trajet complet entre Paris et Luang Prabang, compter environ 1 000 € aux meilleures conditions.
- Formalités. Visa obligatoire, délivré en une semaine. Passeport valable six mois après le retour.
- Santé. Prévoir un traitement antipaludéen, et des bombes antimoustiques.
- Argent. La monnaie nationale est le kip (1 € = 10 000 kips). Le bath thaïlandais et le dollar sont acceptés partout.
- Heure. Quand il est midi en France, il est 18 h au Laos en hiver et 17 h en été.
- Saison. La meilleure période du voyage se situe entre novembre et février. Luang Prabang est en altitude, il y fait donc plus frais et les pluies sont rares. Le mois de septembre, avec ses rizières d’un beau vert tendre justifie également le voyage.