
Lande lunaire effleurant le cercle polaire, cette immense île volcanique, pays des aurores boréales et des soleils de minuit, est le royaume de l'oubli; une terre, un peu mystique, de retrouvailles avec soi-même. Ses 103 000 kilomètres carrés nous emportent toujours plus loin. Entre glaciers gigantesques et landes arides, ses chemins nous incitent à l'errance, comme dans un film de Wim Wenders. Un périple à faire à pied, pour un contact direct avec les quatre éléments: l'air, la terre, le feu et l'eau.
Aux origines du monde
L'Islande concentre l'énergie de la planète. Il suffit pour s'en convaincre de goûter un petit morceau d'iceberg du lac de Jökullsarlon. D'après un Islandais qui commercialise, sous forme de glaçons, ces blocs vieux de deux mille ans, cette eau pure possède toutes les vertus d'une potion magique: «On "flotte'' ensuite au-dessus des steppes et des murailles sans fin, des cendres et des prairies pourpres. On s'enivre de lichens vert tendre, de graminées roses et des glaces aveuglantes...» Un avis partagé par les elfes, qui grouillent sur l'île depuis l'arrivée des Vikings et dont ne peuvent se passer les Islandais. En effet, depuis le XIIIe siècle, les habitants de ce monde perdu dans les glaces sont pris d'une folie narrative (nulle part il ne paraît plus de livres par habitant qu'en Islande) où ses héros nourrissent d'interminables sagas. Aujourd'hui encore, quand la solitude devient pesante, la tribu des génies (les elfes et les trolls) arrive à point nommé et se faufile à travers la lande.
Si les scientifiques trouvent en l'Islande un laboratoire, le voyageur, lui, retourne aux origines du monde. Ecumante, bouillonnante, répandant des océans de flammes, de terre et d'eau sur ses pentes, cette île nue, sans arbre, est un véritable chaos, un vrai décor pour dinosaures et diplodocus. Mais les mastodontes n'ont jamais pu y poser une patte, puisqu'ils avaient déjà quitté la planète depuis six millions d'années lorsque l'Islande émergea du fond des océans. Tout jeune - en regard des autres parties du monde installées depuis un milliard d'années - ce pays n'est pas achevé. Il mijote et tremble encore sous la pression tectonique de l'Amérique du Nord et du Groenland qui se séparent de l'Europe. Il subit les éruptions (généralement tous les cinq ans) de ses 200 volcans qui explosent sous les glaciers turquoise noircis de lave, gémissant, craquant et dérivant jusqu'à la mer.
Ici, point de monuments ni de forteresses à visiter, seule la nature a œuvré, offrant des géants comme le volcan Hekla, «la porte de l'enfer», dont la dernière éruption date de 1991, et des geysers semblables à celui du Strokkur, qui glougloute et fait jaillir sans fin son eau brûlante. La nature a également façonné les rivages tourmentés du lac Myvatn, les murailles des falaises de Dyrholaey, taillées dans la lave et dominant d'immenses plages de sable noir, les landes violet et jaune du Landmannalaugar, proches de l'imposant Vatnajökull, le plus grand glacier d'Europe, couvrant une superficie identique à celle de la Corse, qui se jette dans des criques. Sans oublier le Snaefellsjökull (le glacier du Snaefell), une montagne vénérée comme le mont Fuji au Japon, ni l'archipel de Vestmann, apparu au milieu du XXe siècle, après l'éruption d'un volcan, accessible en trente minutes d'avion depuis Reykjavik. Sur Heimaey, longue de 10 kilomètres, la seule île de cet archipel habitée par des pêcheurs, on peut descendre à l'intérieur d'un volcan, sous l'œil indifférent d'une multitude de macareux, en pensant invariablement à Pierre Loti. En barque, par beau temps, on pousse jusqu'à Surtsey, la plus jeune île, née en 1963!
Les beautés de l'Islande sont infinies, rien ne sert de chercher à les énumérer, il faut les vivre au jour le jour, à chaque pas, au contact du sol brûlant constellé de geysers, au toucher des colonnes d'orgues basaltiques, sous les éclaboussures de chutes vertigineuses, les yeux grands ouverts sur ces particularités.
En 1868, l'aventurier Noël Nougaret, correspondant en Islande de la revue Le Tour du monde, affirmait à ses lecteurs horrifiés avoir dormi une nuit dans le ventre d'une baleine! Explication: les maisons traditionnelles, aujourd'hui toujours debout, étaient enfouies sous la tourbe, pour protéger leurs habitants du froid, et charpentées en bois flotté, mais, dans certains villages de pêcheurs, du côté de Hvalfjördhur (le fjord de la baleine), elles étaient soutenues par les squelettes des cétacés. Le linge était tendu entre les côtes, au-dessus du siège traditionnel islandais, constitué d'un crâne de cheval porté par trois tibias et des coffres reposant sur des crânes de phoque...
Ce mobilier rarissime fait aujourd'hui courir les antiquaires de Reykjavik désireux de satisfaire une jeunesse riche et branchée en quête de ses racines. Depuis l'après-guerre, l'industrialisation de la pêche et l'extension des eaux territoriales regorgeant de poissons en tous genres ont fait de l'Islande la détentrice d'une richesse comparable au pétrole des pays du Golfe. En une génération, le pays a été envahi par les produits de consommation les plus sophistiqués. Le coût de la vie quotidienne explose... mais la collectivité est riche. Et Reykjavik, la capitale la plus septentrionale de la planète, sombre dans l'ivresse à partir du jeudi et ne dort pas du week-end, arrosée par des flots de bière, légalisée depuis 1976 seulement. Discothèques et bars racolent les citadins et les provinciaux attirés par la fête et par les «after bains», ces piscines d'eau chaude en plein air à l'odeur de soufre, qui ouvrent dès 7 heures du matin. Certaines sont dotées de Jacuzzi, de salons de massage et d'une boutique de produits de soins. Le Lagon bleu, situé sur la route de l'aéroport, est un lieu hallucinant où l'on se baigne dans des bassins d'eau bleue à 40 degrés, sur fond de cheminées d'une centrale géothermique érigée au milieu d'un désert de lave.
Renseignements
Ambassade d'Islande, 8, avenue Kléber, 75016 Paris, 01-44-17-32-85. Office du tourisme, même adresse, 01-53-64-80-50.
Formalités
Un passeport ou une carte d'identité en cours de validité.
Téléphoner
De France, composer le 00-354 suivi du numéro de votre correspondant.
Quand partir
Mieux vaut découvrir l'Islande entre les mois d'avril et d'août, au fur et à mesure que l'île s'ouvre aux visiteurs avec la fonte des neiges et que le soleil s'installe presque en permanence pour l'été boréal. Les lumières de juin sont idéales pour photographier les oiseaux, mais le «nourrissage» des petits bat son plein en juillet.
e loger
Gîtes à la ferme et chambres chez l'habitant permettent de parcourir l'Islande tout en rencontrant ses habitants. Prix en fonction des prestations. Icelandic Farm Holidays. Sidumuli 13, 108 Reykjavik, 570-2700. Fax: 570-2799.
L'hôtel Gardur, au centre de la capitale, offre un accueil confortable pour la première nuit. Hringbraut 101, Reykjavik, 551-5656.
auberges de jeunesse:
VESTURGATA 17, REYKJAVIK, ISLANDE.
Auberge de jeunesse KEX
Skúlagata 28, Reykjavik, Islande