
Amazone :le nom fait rêver et frémir. Il évoque les grands espaces, la nature vierge et sauvage où coule un vaste fleuve impassible. Nulle part il n'est aussi beau, aussi puissant qu'à son embouchure du Nordeste, là où fut édifiée la ville de Belem, passage obligé des richesses de l'Amazonie vers l'Europe. Cet estuaire majestueux abrite plusieurs îles, dont celle de Marajo, la plus grande île fluviale du monde : plus étendue que la Suisse, avec près de 50 000 km2. C'est aussi l'un des plus importants sanctuaires écologiques de la planète. L'île est habitée de fermiers, éleveurs de chevaux et surtout de buffles, de pêcheurs... et d'animaux extraordinaires, dont certaines variétés n'existent nulle part ailleurs.
Pendant la saison sèche, de petits avions de tourisme desservent les fazendas (les fermes), sur des pistes d'atterrissage de fortune, en plein champ. À la saison des pluies, quand les terres sont inondées, on circule plutôt à cheval et en bateau. Dans la municipalité de Salvaterra, la Fazenda do Carmo est l'une de ces fermes ouvertes récemment à une sorte d'agrotourisme écologique. Considérée ici, avec ses 6 500 hectares, comme une propriété moyenne, elle annonce un cheptel de 2 700 boeufs, 600 buffles et 150 chevaux. La maison de maîtres est marquée par la personnalité de ses propriétaires, une ancienne grande famille terrienne : parquets et meubles de bois sombre, photos dans leurs cadres, jeux de société, vaisselle siglée, canapés profonds, rocking-chairs, jeux de société pour les longues soirées, hamacs sous la véranda, rideaux et couvre-lits de dentelle blanche à la portugaise... En séjournant ici un ou plusieurs jours, on se prend pour un fazendero. Avec promenades à cheval, voire chevauchées à dos de buffle... attention, les selles, rustiques, sont dures aux épidermes délicats ! La nourriture est délicieusement simple et roborative : rôtis de buffle, poissons de rivière, patates douces et légumes du jardin, jus de mangues...
Mais le moment magique est celui des promenades en pirogue sur le fleuve, à la découverte d'un étonnant bestiaire exotique. D'abord, l'oeil du profane ne perçoit que des masses de verdure luxuriante et les racines géantes des palétuviers. Bientôt, le regard distingue le dos inquiétant d'un caïman, le mouvement d'un paresseux qui se déplace comme dans un film au ralenti, ou un étrange capybara, ce rongeur qui ressemble à un castor géant. On s'émerveille devant les oiseaux : un kiwiwi (ainsi appelé à cause de son cri), des toucans, des hérons blancs à l'élégance hautaine ; un hoazin, surnommé « oiseau gitane », dont la queue largement déployée évoque une robe à volants ; des faucons par dizaines, un rare héron bleu... La frêle embarcation glisse lentement sur l'eau à travers la forêt tropicale, parfois réduite à un mince rideau d'arbres derrière lequel on aperçoit une terre brûlée : ici se pratique la dangereuse culture sur brûlis.
De Salvaterra, on accède par un bac à Soure. La ville, toute plate, a été quadrillée de larges avenues par un maire ambitieux qui espérait en faire une capitale. Les maisons basses ont pauvre allure et sur un terre-plein central à l'abandon poussent des manguiers géants. Mais depuis peu, les habitants de Soure, qui voient se développer tout un tourisme écologique, rêvent d'une nouvelle prospérité.
Ici, le moyen idéal pour se déplacer est la bicyclette, facile à emprunter ou à louer dans les pousadas. Parmi les curiosités, le quartier général de la police montée sur buffle - une spécificité du Marajo -, des boutiques de céramiques d'inspiration indienne aux motifs géométriques, rouge, noir, beige ; des ateliers où l'on travaille le cuir de buffle, produisant des sandales, des sacs ou ces étonnantes bourses faites des testicules de l'animal !
La fazenda São Jerônimo est une ancienne ferme convertie en maison d'hôtes, célèbre au Brésil grâce à une émission de téléréalité : des personnalités en vue du show-business avaient été abandonnées en pleine nature, entre plage et forêt, contraintes de survivre de pêche et de cueillette, voire en se nourrissant d'insectes ! La fazenda servait de quartier général aux techniciens et de refuge pour les participants éliminés. Une excellente façon de faire connaître cette auberge rustique mais charmante et sa sublime plage privée, la Praia de Goiabal. On s'y rend à pied ou dans une charrette tirée par des chevaux, franchissant des étendues sauvages et des passerelles au-dessus des palétuviers.
À Soure, tous les chemins mènent à la plage. Et quelles plages ! Immenses, au bord d'un fleuve si large qu'on n'en distingue pas l'autre rive : on se croirait au bord de l'océan, mais l'eau douce est soyeuse sur la peau. Sable blanc scintillant, intact comme au premier jour de la création. Celle de Praia do Pescheiro, bornée par un village de pêcheurs, s'étend sur trois kilomètres frangés de cocotiers. Ici et là, un cours d'eau se perd dans les sables. Quelques maisonnettes sur pilotis servent du café, des jus de mangues, du poisson grillé. Des enfants vendent pour quelques réais de petits animaux sculptés, des personnages de coquillages.
Au bout de la ville, on visite encore la plage d'Araruna. Et celle de Bara Vielha, où l'on accède par une route privée, longeant des plaines marécageuses et un étang où se regroupe une incroyable colonie d'ibis rouges : les guaras écarlates, emblèmes de l'île de Marajo. Quand ils prennent leur envol, c'est comme si se levait soudain un énorme nuage couleur de sang.
Infos pratiques:
- Office de tourisme de l'État du Para : www.paratur.pa.gov.br
- Bureau du tourisme brésilien : www.braziltour.com (site francopho , ornithologue, spécialiste de la nature tropicale : Osvaldo Saldanha, osvaldosal@yahoo.com.br
- À Salvaterra
Pousada dos Guaras. Un grand resort en bord de plage, sous les manguiers. Attention aux moustiques ! (ww.pousadadosguaras.com.br).
Soure
Canto do Francês (55-91-3741-1298, thcarliez@aol.com). Une pousada de charme créée par un Français. Chambres simples et charmantes, climatisées, excellente cuisine, promenades à cheval ou à dos de buffle, prix doux. Forfait séjour (2 nuits, transport aller-retour Belem en bateau et minibus, trois promenades-découvertes de 1/2 journée) 90 e par personne (minimum 2 participants). Réservations : Amazon Star Turismo (www.amazonstar.com.br)
Fazenda Sao Jeronimo (91-3741-2093, www.marajo.tk, saojeronimo@canal13.com.br). Découvrir la nature et la vie de l'île dans une authentique ferme transformée en auberge de jeunesse. Cuisine excellente, chambres climatisées joliment décorées, plage privée, nombreuses excursions.