La ville aura beau vous faire tout son charme, aligner ses démesures, ses surdensités, ses néons et son shopping exalté, il restera un moment désarmant dans votre voyage, lorsque la nature se pointe. Certes, elle est présente dans la ville par petites touches subtiles : l’asymétrie des faïences, le dispositif de la cuisine, les motifs des tissus, l’esprit des maisons.
Elle est constante sur les chaînes de télévision. La météo ne se contente pas de donner les températures, elle décrit l’avancée des saisons avec les cerisiers en fleurs le printemps en venue (la saison reine au Japon), et l’arrivée de l’automne avec la coloration des érables.
A partir de là, vous aurez compris qu’il faut sortir des villes et gagner une autre planète, la campagne, la nature. C’est vite fait, les shinkansen (les TGV japonais) rayent à vitesse impressionnante l’ensemble du territoire. A la limite, ils sont presque trop rapides pour goûter la délicieuse montée des paysages, lorsque la ville renonce, que les maisons s’adoucissent.
L’idéal, c’est de prendre les trains asana, plus paisibles et largement ouverts sur le paysage. Et là, le Japon donne une grande leçon de simplicité. N’hésitez pas à vous plonger dans quelques livres, histoire de mieux saisir cette dévotion. Vous apprendrez ainsi qu’en 1274 et 1281 le Japon allait être envahi par les Mongols à Kyushu. La victoire leur était acquise mais, par miracle, les navires de l’agresseur furent détruits au cours de terribles tempêtes.
C’est ici que naquit l’expression kami (esprit, divinité) kaze (vents). Dès lors, tout devient plus clair dans ce pays régulièrement rappelé à l’ordre par la nature (séisme, typhons, raz de marée). On traverse une région pour un lever de lune, on oriente sa maison pour le chant d’un ruisseau, on délivre les pièces de ses encombrements pour libérer l’espace, faire respirer la vue.
La nature éventre alors cette culture, offre une littérature marquée par le « pathétique des choses », une religion ailée (le shintoïsme), une architecture de l’esprit intrigante, une cuisine écoutant le « rien » des produits, les saveurs diaphane.
Il faudrait une vie pour décortiquer ce savant entrelacs ou alors un voyage en dehors des sentiers battus (Kyoto formidable mais trop courue, Tokyo dure comme la pierre et l’inox). Voici quelques adresses glanées au plus proche du Japon. Tentez à votre tour l’expérience et, si la tentation consiste parfois à rester en superficie, plongez un pied, seulement l’orteil ou bien tout entier, fait partie des grands voyages de ce monde.