Ces images de soleil, de farniente et de mondanités sur papier glacé suffiraient au bonheur de bien des rivages. La somptueuse ceinture côtière de la Sardaigne ne saurait cependant gommer l’essentiel de cette île, son coeur : des paysages grandioses, des traditions restées étonnamment vivantes et des vestiges millénaires.
Allongée au flanc de la botte italienne, à 11 kilomètres seulement de la Corse et 180 de Naples, cette soeur jumelle de la Sicile mêle plaines exceptionnellement fertiles (elle fut pendant des siècles l’un des greniers à blé de l’Empire romain) et massifs montagneux, qui la protègent des turbulences du monde. Sitôt quittée la côte, une route asphaltée pique vers un village brûlé de soleil, accroché aux premières pentes des collines.
Bientôt, des chemins plus ou moins empierrés escaladent le massif. La Land Rover tangue, roule, plonge et se redresse pour franchir un fossé, se faufile entre les chênes-verts et les genévriers, grimpe jusqu’au sommet d’un piton d’où moutonne une mer de verdure. Pas un village à l’horizon. Aucun signe de vie, à l’exception des chèvres et de leurs bergers, qui partagent volontiers le cochon de lait cuit à la broche et le pecorino, le fromage de brebis local.
Chemin faisant, il arrive qu’on aperçoive des mouflons, des cerfs ou des sangliers errant dans ces solitudes odorantes de toutes les herbes de la Méditerranée. On est certain, en revanche, de découvrir, noyés dans la végétation, de mystérieux monuments préantiques. « Domus de janas », maisons de fées, en fait des tombes creusées dans le rocher.
Et surtout d’énigmatiques « nuraghe », énormes tours tronquées édifiées à l’âge du bronze, on ne sait trop pour quel usage, temple ou demeure fortifiée. Certaines dépassent les 20 mètres de hauteur. On en recense environ 7 000 la plupart dressées aux endroits les plus élevés, mais aussi à l’entrée des vallées et le long des sentiers. Si nombreuses que la Sardaigne en a fait son emblème.
Une simple balade dans les grandioses massifs du Gennargentu et de la Barbagia, avec quelques stops à Nuoro, Oliena ou Orgosolo, ancien fief des bandits d’honneur, entrouvre la porte sur une île ancestrale, hospitalière, à l’antique, les yeux dans les yeux. Cette Sardaigne-là, on le comprend vite, a beaucoup à raconter.