Il était une fois un royaume de légende, à l'histoire tissée de rêves et de mythes, de combats héroïques et de fastes anciens. Le Laos, pays du million d'éléphants et du grand Bouddha d'or, statue emblématique qui donna son nom à la ville. Le «Luang» (grand) «Pra Bang» (Bouddha d'or) fut moulé au Sri Lanka et offert au roi des Khmers, puis volé par les Siamois au xviiiesiècle mais rendu par le roi RamaIV au xixe siècle.Il repose à présent dans l'enceinte de l'ancien palais royal transformé en musée national où on lui a construit un pavillon aux toits superposés, dans le style laotien.
L'ancienne capitale des rois du Laos fut délaissée, au profit de Vientiane, par le pouvoir communiste qui redoutait son influence politique et religieuse. Au pied du Phou Si, la colline sacrée, la ville s'était assoupie dans le parfum des frangipaniers, berçant ses nostalgies au confluent du Mékong et de la Nam Khane, son affluent.
Splendeur du style lao
Pourtant, depuis peu, le pays s'est entrouvert et le monde redécouvre sa beauté et ses richesses, ses architectures de bois et ses maisons coloniales, ses pagodes et ses temples innombrables à l'architecture caractéristique. Au Vat Xieng Thong, c'est l'éblouissement: bois sculptés dorés à la feuille, peintures au pochoir, façade ornée d'un splendide «arbre de vie» de mosaïque de verre.C'est le plus ancien des édifices religieux de Luang Prabang (xvie siècle). Son Bouddha couché, chef-d'œuvre du style lao (nez aquilin, paupières baissées sur un regard de nacre, fleur de lotus fermée, posée sur des cheveux bouclés) a été exposé à Paris en 1931. Au Vat Sène, dont les murs rouges sont peints de motifs d'or au pochoir, on peut voir la chapelle du Grand Bouddha debout.
Vat Vissoun, Vat Aham, Vat Sop: la découverte des temples et des pagodes est un émerveillement de tous les instants. Qui commence tôt le matin, avec la longue procession safran des moines sortis pour la cérémonie des offrandes, recevant le long des rues l'aumône des fidèles. Nombreux sont les très jeunes garçons que leurs parents ont confiés aux temples pour leur assurer une éducation qu'eux-mêmes ne pourraient leur offrir. Plus tard, c'est l'heure du marché où s'étalent des nourritures parfois étranges: poissons et algues du Mékong, miel en rayons, champignons et herbes de toutes sortes, œufs de fourmis (appréciés comme condiment) mais aussi chevreuil, sanglier, chauve-souris, écureuil… Les Laotiens ont la réputation de manger «tout ce qui court, tout ce qui rampe et tout ce qui vole».
Pour retrouver le Laos des origines, il suffit de prendre place à bord d'une longue barque de bois jusqu'aux mystérieuses grottes de Pak Ou, un lieu de pèlerinage habité durant des siècles par des ermites. Des milliers de Bouddhas y ont été déposés à même le rocher. En chemin, on peut observer les activités du fleuve, entre les rives ornées de potagers sous les plantations de tecks, les bambous géants et les cocotiers. Ici et là, des villages sur pilotis aux toits de chaume, des temples ou des palais aux frontons sculptés. Des enfants rentrant en barque de l'école, ou s'éclaboussant, nus, à grands cris. Des femmes lavant le linge ou récoltant les algues, des troupeaux de buffles, des pêcheurs et des installations de pisciculture, des orpailleurs à la recherche de l'or du Mékong, des moinillons s'activant dans les jardins noyés par la fumée des cultures sur brûlis.
Renaissance de la ville
Depuis quelques années, des enfants de Laotiens émigrés en France viennent ici retrouver la demeure de leurs ancêtres. Des Français tombés amoureux de Luang Prabang se mobilisent pour la faire revivre, restaurent les habitations, créent des maisons d'hôtes, des restaurants, inventent un tourisme de charme qui se distingue par son raffinement et sa simplicité. Francis Engelmann, lui, œuvre sans relâche à la préservation de la ville, avec la Maison du patrimoine et Asia Urbs, un organisme qui a réussi à obtenir le classement de la ville par l'Unesco. Avec quelques subventions et des aides plus modestes venant de France (la région Centre, Alcatel, les frères Tang, la Maison de l'Indochine) ou de la ville (l'hôtel Pansea, l'agence de voyages Diethelm).
C'est ainsi qu'il a entamé la restauration de nombreux temples, de quelques maisons ou palais de bois et des demeures coloniales. Mais il s'est surtout attaché à la mise en valeur d'une «structure urbaine très particulière: une grille coloniale enserrant les villages traditionnels laotiens» . A l'intérieur du plan des rues tracées par les Français, on découvre un monde invisible, les «zones humides», concentrées autour de deux cents mares. Reliées entre elles, elles régulent les pluies des moussons et limitent les crues, assurant l'équilibre écologique. On y cultive des plantes nourricières, liserons d'eau et nénuphars, on y pratique la pisciculture. Derrière les façades étincelantes des temples et le charme des maisons coloniales, c'est la vie secrète de Luang Prabang qui se révèle, nonchalante et rêveuse.
Y aller
Paris-Bangkok, à partir de 438e avec Thai Airways; 01-44-20-70-80. Puis vol direct Bangkok-Luang Prabang sur Bangkok Airways (1h30 environ). Nombreuses formules de découverte avec Asia. La plus séduisante: arriver par le fleuve «Au fil du Mékong», naviguer de la frontière thaï jusqu'à Luang Prabang, puis dans les méandres du sud à bord du Wat Phou, jusqu'à la frontière cambodgienne.
Se loger
Très bon marché: Sala Prabang, petite guest house au bord du fleuve à partir de 35$ US; (71) 252-460.
Se restaurer
Des restaurants récemment ouverts par des Français ou des Franco-Laotiens inventent un style de cuisine-fusion original et parfois inspiré. L'Eléphant, déco pleine de charme: canard au fruit de la passion, merveilleux sorbets, lounge bar avec une excellente programmation musicale; (71) 252-482.
Les 3 Nagas, restaurant-café avec chambres d'hôtes, créé par un couple-franco-québecois, dans une belle demeure en teck restaurée; (71) 253-888.
Le Samsara, déco élégante et jeune chef français aux fourneaux; (71) 254-678.
Visoun Restaurant: une bonne adresse pour s'initier à la cuisine lao; (71) 212-268.
Lire
«Luang Prabang» de Francis Engelmann (Asa Editions). Epuisé en français mais disponible en anglais.
«Le Grand guide du Laos et du Cambodge», (Bibliothèque du Voyageur, Gallimard).
«Indochine– Laos, Cambodge, Vietnam» de Jacques Népote (Guide Artou, Olizane).
Sur place: livres à acheter ou à échanger à la librairie L'étranger, Book & Tea; courriel: booksinlaos@yahoo.com