Elle s'appelle Pastora. Elle danse un flamenco de feu, plein de ruades orgueilleuses et de sensualité paysanne. Elle vient de Jerez de la Frontera, la ville des taureaux et du fino, un vin qui sent le bois et la cerise. Elle enflamme la Casa de la Memoria, le centre culturel du quartier de Santa Cruz, à deux pas du palais de l'Alcazar, dans le ghetto juif de la capitale andalouse. Pastora brûle de l'intérieur. Elle a le duende, cette grâce animale des filles des rues. Dans ses yeux de guerrière revit l'histoire de la Séville éternelle, avec ses cent églises, ses ruelles étroites, ses bodegas bourdonnantes et sa cathédrale mythique, la Giralda, flottant comme un bouchon sur un marécage. De là vient cette sensation de tangage que l'on éprouve quand on déambule au cœur de la capitale de l'art mudéjar. On s'y perd dans un dédale d'effluves de fleurs d'oranger et d'huile d'olive.
Et puis, il y a cette nonchalance proche de la désinvolture que l'on sent chez l'habitant. Le Sévillan est un être singulier: il est fier de sa ville qu'il voit comme la plus belle femme du monde. Il est persuadé que le temps n'a pas de prise sur la cité, qu'il n'a donc aucune raison de se soumettre à l'emprise de la modernité et de ses tracas. Pourquoi faire vite? Il a appris très jeune que l'art de flâner dans les allées du parc Maria Luisa ou sur les rives du Guadalquivir est plus important que tout. A Séville, chaque promeneur est un seigneur, un maestro. Ici, on porte la vacuité comme une seconde peau.
Pour comprendre cet état délicieux, il suffit de suivre le mouvement: glisser vers les quartiers nord pour saluer la vierge de la Macarena maquillée comme une danseuse de flamenco; bifurquer à l'ouest jusqu'au musée des Bellas Artes, où l'on peut s'attarder sur des chefs-d'œuvre de Murillo et Zurbaran; ou encore de faire une pause dans le patio de l'hôtel Vincci La Rabida, maison de maître sévillane, au cœur de l'Arenal, l'ancien quartier du port, haut lieu aux xviie et xviiie siècles des picaros, les bordels des marins qui partaient pour les Amériques.
A deux pas, même en plein hiver, on peut visiter la Maestranza, arènes pharaoniques au sable blond, qui, le soir, quand le soleil pointe ses derniers rayons, prend des teintes dorées. Là, dans ce théâtre vide, si vous tendez l'oreille, vous pouvez entendre les clameurs des aficionados, le bruit des sabots des monstres venus des grandes plaines de la marisma, plus au sud. Ils ressemblent étrangement aux bruits de claquettes de Pastora Galvan, dont le frère, Israël Galvan, est considéré comme un des plus grands danseurs de flamenco actuels. Sous la houlette de leurs parents, José et Eugenia, eux-mêmes danseurs professionnels, Israël et Pastora ont démarré dans le quartier pauvre de Triana, de l'autre côté du fleuve. Ils ont galéré dans les tablaos pour touristes, tout près de la statue de bronze de Juan Belmonte, torero sévillan.
Un jour, ils ont franchi le Guadalquivir, frontière entre deux mondes, celui des gitans et de l'aristocratie de la calle Sierpes, cours d'eau indolent où l'on embarque le soir sur des bateaux de croisière pour des promenades au clair de lune. Au crépuscule, on peut rêver aux caravelles de Christophe Colomb, parties d'ici il y a des siècles, tout en admirant la Torre de Oro, sentinelle de pierre où les marins entassaient l'or venu de l'autre côté des mers. Et sans doute aussi leurs illusions.
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Paris-Séville aller-retour à partir de134 euros (tarif week-end) sur Iberia ou VUELING. Tél.: 0-820-075-075.
Office du tourisme espagnol, 43, rue Decamps, 75016 Paris. Tél.: 01-45-03-82-50. e-mail: paris@tourspain.es
Se loger:
Hostels et auberges de jeunesse SEVILLE
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