Unter den Linden affiche une mine superbe. La fameuse avenue «Sous les Tilleuls» folâtre joyeusement jusqu'à la Parizer Platz, au pied de la porte de Brandebourg. L'emblématique monument couronné d'un quadrige de cuivre n'en revient toujours pas d'un tel miracle. Lui qui naguère se dressait tristement au milieu d'un terrain vague s'illumine désormais chaque soir. La place de Paris achève son réaménagement, toute d'immeubles design mais aux mensurations rigoureusement identiques à celles d'avant-guerre.
L'ambassade de France est là, réinstallée à son ancienne adresse dans un bâtiment transparent. L'ambassade des États-Unis lui fait face.L'hôtel Adlon est aussi dans le coin. Quelle histoire que celle de ce palace Belle Epoque, épargné par les bombardements mais détruit par un incendie trois jours seulement après la fin des hostilités.
Le centre de réunion ressemble à un monticule de cubes. Il abrite en son sein une étrange bestiole de bois et d'aluminium. Franck Gehry (Guggenheim de Bilbao) en est l'auteur.
On pourrait continuer longtemps sur ce registre. Evoquer le quartier des ambassades et des représentations des Etats fédéraux, en lisière du parc de Tiegarten. Au chapitre des bâtiments officiels, toutefois, le «quartier gouvernemental» arrive en tête. L'ancien Reichstag a repris du service, coiffé d'une coupole transparente. Elle remplace le dôme de pierre détruit pendant la guerre. Et éclaire l'hémicycle. Depuis son ouverture en 1998,12 millions de visiteurs s'y sont bousculés (accès libre tous les jours de 8 h à 22 h). Non loin, trois constructions futuristes (dont celle de la Chancellerie) composent le «ruban fédéral». Il enjambe les méandres de la Spree. Depuis vingt ans, les bateaux-mouches glissent à nouveau sur la rivière.
Avec ses rues pimpantes, ses boutiques tendance et ses galeries d'art moderne, le quartier juif d'Hackescher Mark se donne des allures de Saint-Germain-des-Prés. Ses huit cours intérieures communicantes sont devenues repaire des créateurs. Sept ont été magnifiquement réhabilitées. La huitième, lépreuse en diable, témoigne du passé. Des bars à la mode s'y sont installés. Mais, dans peu de temps, c'est certain, le quartier de Prenzlauer Berg montera en tête d'affiche. Déjà, les petits immeubles fin XIXe-début XXe ravalent leurs façades. Ils se maquillent de tons pastel et de couleurs vives, que les taggers s'empressent de maculer. Les bistrots fleurissent. Les Berlinois de l'Ouest viennent volontiers y dîner.
Les buildings de Potsdamer Platz rutilent au soleil. Le soir, ils s'électrisent a giorno. Ce ne sont pas des gratte-ciel. Juste de hauts immeubles, jaillis en blocs de verre, de briques, de béton, au milieu de cubes, de tubes, parallélépipèdes et autres figures asymétriques. Les bâtisseurs ont inventé un nouveau style : le «déconstructivisme». Le Sony Center en est la principale curiosité : un atrium géant coiffé d'un drôle de chapeau blanc surnommé «le Fujiyama berlinois», conjuguant lamelles métalliques et tubulures d'acier. Intégrés à l'asphalte, de gros pavés disposés en deux rangées traversent la place et toute la ville, en pointillés. Ce n'est pas une coquetterie de la voirie. Ils suivent le tracé du Mur dressé dans la nuit du 13 août 1961. A Potsdamer Platz, symbole du nouveau Berlin, quelques panneaux se souviennent, en allemand, en anglais, en français, en russe et en photos. De cette frontière de la honte, 3,60 m de haut et 155 km de long (elle déchirait la ville mais encerclait aussi Berlin-Ouest), trois pans subsistent. Les collectionneurs les grappillent.