Lentement, question gastronomie, la Bretagne commence à sortir son petit bout de nez. Il aura fallu des siècles d'indifférence à la mer et à la table pour que paisiblement des restaurants émergent dans le paysage français. Tout le monde connaît les maîtres de la Bretagne : Olivier Roellinger (Cancale), Patrick Jeffroy (Carantec), Paineau à Questembert, Jean-Paul Abadie à Lorient, Jacques Thorel à La Roche-Bernard.
Il existe aussi, juste derrière, des tables valeureuses poussant leurs arguments avec autant de conviction mais peut-être moins d'efficacité médiatique. Ce sont en quelque sorte les faces B des 45 tours de jadis où se nichaient de vraies petites perles dissimulées par des morceaux plus voyants. Quelques-unes sont ici réunies et témoignent d'une Bretagne en pleine effervescence.
Certes, il y a encore beaucoup de progrès à faire, de tables à décoincer, d'associations trop crémées, de repas indigestes, mais il faut laisser le temps agir, ces restaurants s'épanouir. Mais attention, ils ne le feront pas comme à Paris ou sur la côte d'azur, le tempérament breton est plus discret, moins bruyant. Il a besoin de bourrasques, de solitude, d'écoute.
ILLE-ET-VILAINE
- Le plus accompli : Le Coquillage (Cancale)
Sans doute l'une des tables les plus accomplies de Bretagne. Comme si c'était la réponse à une question toute simple. Le Coquillage, c'est lorsque la table a oublié la gastronomie pour faire encore plus vrai : solettes dorées pommes de terre écrasées, petits farcis de crabes sur le feu, plateaux de fruits de mer (attention, sur commande !), ajoutez à cela un cadre formidable de néo-régionalisme breton (version Art déco), une vue admirable et vous tenez là une adresse épatante. Notre préférée.
Maison de Bricourt-Richeux, route du Mont-Saint-Michel. Tél. : 02.99.89.64.76. De 11 € à 97 €.
- La paix gourmande : Auberge Grand'Maison (Mur-de-Bretagne)
On pourrait presque fermer les yeux tant les odeurs de cuissons sont douces et prometteuses. Le décor bichonné de la salle à manger poursuit l'harmonie. Il y a comme un climat de confiance et surtout cette cohérence qui mène de la salade de homard-parmesan sauce orange aux desserts du coin retravaillés au goût du jour (composition de crêpes café et glace au miel).
Plus encore, il y a cette Bretagne solide, batailleuse qui se retrouve dans le saint pierre et sa galette de pomme de terre, jus de persil figues et tomates. La cuisine de Jacques Guillo est une cuisine de paix, de force, de conviction. Service tranquille avec la maîtresse de maison. Chambres pour prolonger le plaisir.
1, rue Léon-Lecerf. Tél. : 02.96.28.51.10. De 50 à 100 €.
- Animée : La Fontaine aux Perles (Rennes)
Attendez-vous au Manoir de la Poterie à découvrir une cuisine toute en savoir-faire. Beaucoup de vie dans cette table réputée à juste titre pour sa galette de blanc de barbue à l'andouille et surtout pour son civet de homard au vin des coteaux du Layon.
96, rue de la Poterie, 32500 Rennes. Tél. : 02.99.53.90.90. Menus de 22 € à 61 €.
- Rapport qualité-prix : Le Chalut (Saint-Malo)
Bien souvent les vraies bonnes petites adresses ne paradent pas en front de mer ou dans des lieux d'évidence. Ici, à Saint-Malo intra muros, il faut demander son chemin et finalement trouver cette petite table toute simple, décorée au fil de l'océan. La carte file au but avec notamment sa soupière de coquilles Saint-Jacques et chair d'araignée à la coriandre, le filet de saint-pierre aux girolles, même le saumon fumé maison est travaillé. L'ensemble de la carte respire la fraîcheur, le travail consciencieux et délivre des plats nets, joliment iodés. Sans doute le meilleur rapport qualité/prix de notre sélection.
8, rue de la Corne-de-Cerf. Tél. : 02.99.56.71.58. Menus de 19 à 43 €.
- Pour la saint-jacques : L'Escurial (Erquy)
Vous aimez les coquilles Saint-Jacques ? Vous allez les adorer ici tant ce restaurant monomaniaque voue un culte à ces coquillages. Rappelez-vous qu'ils sont ici chez eux ; la production locale possède une réputation en la matière. C'est ainsi que Denis Froc consacre au thème une bonne partie de sa carte et bien entendu un menu où elle est rôtie, poêlée sous toutes les coutures dont notamment une préparation bienvenue aux coings ou encore aux champignons des bois.
La vue est fort jolie sur la baie, le décor années 70 a encore de la tenue et on retrouvera ici une clientèle mêlant les Britanniques en lévitation gourmande, les locaux en sortie dominicale sans oublier les petits couples venus prolonger les instants de bonheur.
Boulevard de Mer, Erquy 22430. Tél. : 02.96.72.31.56. De 40 € à 80 €.
MORBIHAN
- Valeur sûre : Le Richemond (Vannes)
Certes, la belle salle médiévale avec vitraux et pilastres en bois a parfois des notes tristounettes diffusées par une clientèle attentive, mais il faut peut-être oublier cette gangue respectueuse pour gagner la cuisine de Régis Mahé. Celui-ci associe de façon périlleuse la Méditerranée (il a été formé par Jacques maximin) et la Bretagne et parvient néanmoins à tirer son épingle du jeu à travers rougets, huile d'olive, bar et beurre salé.
Les assiettes ont du nerf comme cette marmite de coquilles Saint-Jacques, homard et palourdes aux parfums d'orient ou encore la sole meunière cuite au naturel macaroni et brocolis ou encore la noix de veau rôtie avec le risotto aux fèves et lard. Des desserts bien troussés avec notamment des fruits d'hiver caramélisés au marsala et glace d'amande, font de cette table au final l'une des valeurs sûres de la Bretagne. Belle carte des vins.
Régis et Edith Mahé, devant la gare de Vannes. Tél. : 02.97.42.61.41. Menus de 26 à 62 €.
- La grand messe : Le Pressoir (Saint-Avé)
A Saint-Avé, le week-end, c'est souvent la grande messe au restaurant de Bernard Rambaud. Les tablées sont bien rangées et visiblement l'appétit déroule son tapis. Même s'il y a ici une sorte d'unanimité gourmande, on peut néanmoins sans vouloir contrarier la joie locale, regretter que les poissons et les crustacés soient submergés par le bouillant cuisiné.
Souvent les épices (ou le beurre, ou la crème) viennent trôner dans le plat, l'embarquant ailleurs dans des saveurs puissantes (et pesantes) à l'instar du homard à la tête de veau, des Saint-Jacques en charlotte d'endives, du tronçon de sole rôtie et ses macaronis fourrés.
7, rue de l'Hôpital, à 5 km de Vannes. Tél. : 02.97.60.87.63. Menus de 38 € à 75 €.
LOIRE-ATLANTIQUE
- Limpide : La Toile à Beurre (Ancenis)
Rien de tape-à-l'oeil, pas de coupures de presse agrandie, ni d'ego démesuré défractionné en verres à vodka. La rue est pentue, la patronne est en salle.
On pourrait presque s'assoupir dans cette ville de fleuve et sa léthargie laiteuse. Et pourtant, il y a en cuisine un garçon, Jean-Charles Baron, bouillonnant de scrupules et de savoir-faire : croustillant de sardines servi tiède, demi-pigeonneau de pays rôti, pêche melba traditionnelle. C'est invraisemblable de limpidité.
82, rue Saint-Pierre, à Ancenis ; 38 km de Nantes. Tél. : 02.40.98.89.64. Menu à 23 €.
- Humeurs du jour : Le Pressoir (Nantes)
Depuis longtemps, nous évoquons régulièrement la constance d'une adresse joliment gourmande, limpide dans sa fraîcheur de marché, animée en par Catherine et Michel Bachelet.
L'ardoise du jour change selon les humeurs des arrivages : sandre sauvage au beurre rouge, saint-pierre aux mousserons, pigeon au chou. C'est désarmant de bonté d'autant qu'une carte des vins subtile en trouvailles vient augmenter des instants rares. A découvrir.
11, allée de Turenne, à Nantes. Tél. : 02.40.35.31.10. A partir de 40 €.
- La bonté des simples : La Gaillotière (Château-Thébaud)
Vous êtes en plein coeur du vignoble nantais entre Saint-Fiacre, Château-Thébaud. L'ardoise à l'extérieur est réduite à son minimum : juste un menu à 17 € : saumon fumé maison, canette au cidre et pommes fruits, tarte au chocolat sorbet menthe. C'est tout bonnement un restaurant simple. Le chef sort la tête de la cuisine, salue ; sa femme est en salle. On avait presque oublié qu'un restaurant pouvait avoir aussi une expression brute, comme un chant a capella. Le saumon fumé est bien moelleux et distinct dans ses deux expressions (le fumé et le saumon) et la canette est bien à l'aise dans sa cocotte de fonte : moelleuse et claire dans son jus de cidre.
La carte des vins s'appuie sur le terroir, les desserts pourraient être meilleurs (la tarte était un peu poussive) mais on en vient à se féliciter de ce genre de table : douce et naturelle, désarmante de candeur... Elle existe bien et, semble-t-il, a besoin de vos visites.
La Gaillotière, à Château-Thébaud. Tél. : 02.28.21.31.16. Fermé le mercredi. Menu à 17 €.