Déjà l'auteur anglais D. H. Lawrence (1885-1930) spécialiste des paysages et des lieux singuliers avait eu un coup de foudre pour cette île située à 12 kilomètres au sud de la Corse. Il trouvait déjà qu'elle avait été laissée «hors du temps et de l'histoire».
Pourtant, cette dernière a été des plus rosses avec cette île italienne. Elle a tout connu : industries polluantes, envahisseurs (Phéniciens, Romains, Génois, Espagnols, jet-set), a plongé avec une régularité métronomique dans les bas-fonds de la vie. Aujourd'hui, elle va mieux, claudique, s'empourpre vers le nord (Porto Cuevo) depuis que l'Agha Khan a décidé au siècle dernier (dans les années 60) d'aménager la Costa Esmeralda en ce que l'on dit être un paradis. Les eaux en ont, en tout cas, les couleurs, les cieux ont cet azur fumant de chaleur, et, rangés docilement, quelques few s'essaient à être happy.
Au sud, à l'ouest, à l'intérieur, se joue une autre Sardaigne. Elle ressemble à la description – minérale, sauvage – de l'auteur de L'Amant de lady Chaterley. Elle vous échappe tout bonnement. A peine avez-vous rangé une certaine idée que vous vous faites de l'île qu'en un virage, en un coup de vent (ici, ça y va), elle vous désarme, puis vous enchante.
Sur le site archéologique de Tharros, comptoir phénicien prodigieusement pointu, dans des petites villes comme Oristano, sur les routes du littoral, la Sardaigne n'a de cesse de vous déstabiliser, comme si elle cherchait à vous perdre dans ses méandres, à vous attacher dans ses lacets. C'est alors une drôle de danse entre le visiteur et ce paysage qui démarre, s'affale en vrac, joue à s'embarquer dans des couplets très trapus, vifs (une colline, une montagne, un vallon, un rivage).
Certes, il y a des hôtels puissamment organisés et parfois trop, beaucoup trop, comme les solides complexes de vacances, il y a aussi des hôtels de plage où l'eau n'est jamais assez chaude, l'heure du petit déjeuner trop rêche. Et puis il y a quelques agriturismos (l'équivalent de nos chambres d'hôtes, mais installées à la ferme) dont vous avez appris à connaître toute l'extrême qualité déployée, notamment, en Toscane. Ici, c'est beaucoup plus rustique, moins noble et aérien. Vous voici au ras des pâquerettes, au nez des chèvres et des boutons d'or. L'accueil y est gentil, les repas sont parfois épatants de sincérité. C'est alors qu'apparaît une autre Sardaigne, cordiale et lointaine, joyeuse et grave, sinueuse et limpide. Commencent aussitôt les découvertes : les gens, bien entendu, mais aussi un autre continent : celui de la simplicité retrouvée.