L'arrière-saison a des airs de langueur inhabituels pour cette station huppée et toujours à la mode, l'un des lieux italiens de villégiature où il importe d'être vu. " C'est en octobre que Cortina revêt sa plus belle parure ", promet le maire.
Il a été élu maire sur un programme en forme de lifting : construction d'un golf de dix-huit trous et d'un palais des congrès de 700 places, couverture du stade olympique et de la piste de glace, création de nouvelles pistes cyclables, aménagement de la piste de bobsleigh ouverte pour les JO de 1956, etc. De son bureau lambrissé au dernier étage de la mairie, le regard se pose sur les cimes majestueuses qui encerclent la ville. Cortina, c'est avant tout une communion étroite avec la nature, symbolisée par les armoiries des regolieri, ces associations écologiques avant la lettre, gravées sur les façades des maisons. Cette symbiose est cultivée avec un soin jaloux. Comme en témoigne le parc régional des Dolomites : sentiers bien entretenus, surveillance discrète, mais efficace, cheptel parqué et protégé. Même si le fléchage des itinéraires laisse à désirer.
L'émotion est au bout du chemin, après une grimpette escarpée de trois heures pour gagner le refuge Biella, au pied de la Croda del Beco, dans un chaos de blocs gigantesques et d'aiguilles déchiquetées, au milieu d'un silence qui paraît interminable. Les plus chanceux surprendront le chamois et le bouquetin, l'aigle et le renard, la martre et la chouette, plus rarement le coq de bruyère. En redescendant, on retrouve à mi-pente des bosquets touffus de mélèzes et de sapins blancs ainsi que des bouquets d'orchidées et d'immortelles, symbole des Dolomites.
C'est aussi un bain dans la tradition. Latine d'abord, mais aussi soumise aux influences contraires de l'Autriche, qui a longtemps occupé Cortina, et de Venise, aujourd'hui son point de référence. Les façades de ses maisons et ses clochers annoncent déjà le Tyrol et sa table mêle joyeusement la polenta vénitienne aux cêpes, aux stinchi (jarrets de porc) et aux casunziei (raviolis d'herbes ou de betterave) du Haut-Adige. Les robes des dames s'allongent et se parent de motifs dentelés, les pantalons des hommes deviennent knickerbockers ou culottes de cuir à la tyrolienne.
C'est encore un plongeon dans l'histoire, celle de la Grande Guerre et des combats cruels qui se déroulèrent sur le mont Lagazuoi : guerre de tranchées à flanc de montagnes, entre armées italienne et autrichienne, et qui coûta la vie à 20 000 jeunes entre l'été 1915 et l'offensive générale d'octobre 1918. Cortina sacrifie au devoir de mémoire en restaurant fortins et galeries. Itinéraires sur des nids d'aigle, dans les entrailles de la roche, en remontant le temps.
C'est enfin l'observation précise de rites immuables. Lecture des journaux de 9 heures à 11 heures à l'Hôtel de la Poste, apéritif entre 18 heures et 19 heures à l'Hôtel Royal. Le bellini (prosecco et sirop de pêche) vénitien est alors de rigueur. La station compte soixante-seize restaurants, quatorze joailleries, douze galeries d'art où l'on vend des De Chirico, Gutuso, Morandi et la fine fleur du futurisme, dix-neuf agences immobilières...
Sans compter les salons littéraires où accourent les auteurs à la mode, la pinacothèque d'art moderne joliment dotée, le musée ethnographique avec ses fossiles de 200 millions d'années et même une douzaine de night-clubs activement fréquentés.
Cortina la mondaine reste immuable. A Noël ou vers le 15 août, Rome et Venise (mais pas Milan) s'y donnent rendez-vous. On a alors toute chance de rencontrer un Benetton, un Barilla, la papesse des salons Marta Marzotto, le patron de Ferrari, ou encore le chef d'orchestre Riccardo Muti, dont la belle maison jaune pastel, la Corazza, campe en plein centre.
Autrefois, Tolstoï et Rubinstein descendaient à l'élégant hôtel Cristallo qui vient de rouvrir. Dino Buzzati se faisait encorder pour prendre d'assaut les Toffane. Spiros Niarchos leur préférait la discothèque Hyppo. En octobre et novembre, Cortina redevient un bourg de 6 500 âmes, baigné de lumière et de douceur. Un lieu chic et fréquentable, sans cohue. Deux mois durant, elle n'est pas à la mode.
Mode d'emploi
Y aller.
L'aéroport le plus proche est celui de Venise desservi chaque jour par Air France
(tél. : 0 820 820 820) ou Alitalia (tél. : 0 820 315 315) . Par la route, compter 1 013 km au départ de Paris (via Zurich) s ; depuis Lyon, 814 km .
Saison.
Les amateurs de sports d'hiver ne viennent à Cortina d'Empezzo qu'à partir de décembre.
Se renseigner.
Office de tourisme de Cortina, tél. : 00.39.04.36.86.62.52
Office national du tourisme italien, tél. : 01.42.66.03.96