Pourquoi, comment ?
Ce Noël 2012, j’avais décidé de le passer au pays de la reine de Saba… Alors, pour les fêtes, direction l’Arabie heureuse et son architecture ancestrale, ses villages fortifiés et ses vallées verdoyantes. Je rejoins un groupe d’une dizaine de personnes et, avec guides et chauffeurs yéménites, nous entamons une aventure totalement dépaysante, dans un pays qui n’est pas encore altéré par le tourisme de masse.
Au programme, quelques jours dans la capitale, Sanaa, avant de s’aventurer
dans les montagnes du Djebel Harraz. Nous descendrons vers la mer Rouge,
dormirons dans les dunes et remonterons par Taez, dans le centre du pays.
Bien sûr, avant de partir, compte tenu de l’actualité internationale, je me
suis renseigné sur la sécurité. Les enlèvements d’étrangers par des tribus ont surtout eu lieu au nord-est du pays. Nous resterons plein ouest, donc il n’y a rien à craindre. De fait, j’ai rarement vu un pays aussi accueillant et une population aussi souriante et amicale.
ÉTAPE 2
Sanaa, la capitale
Seul le centre historique de cette ville de vingt millions d’habitants, située à 2400 m d’altitude, au centre des hauts plateaux désertiques, est vraiment passionnant. Les maisons de la vieille ville, en forme de tours, sont décorées de motifs blancs. Collées les unes aux autres dans un assemblage unique, elles ne laissent jamais l’œil indifférent. Ces habitations peuvent
accueillir plusieurs générations d’une même famille. Un escalier central
distribue judicieusement chaque étage, mais les marches étant notablement plus hautes que chez nous, je peux vous assurer que grimper cinq étages d’une maison yéménite n’est pas de tout repos ! Il y a toujours quelque chose à découvrir sur ces façades où les moucharabiehs, en bois ou en pierre, offrent aux femmes tout loisir d’observer notre passage sans être vues. Car ici, elles sont toutes intégralement voilées et gantées de noir, ne laissant apparaître qu’un regard sombre, souligné de khôl. On les voit beaucoup, silhouettes traversant le souk, surtout
l’après-midi, au moment où les hommes sont réunis pour mâcher le qat. Et pas question de photographier ces dames, ou vous pourriez vous attirer les foudres des hommes présents… Visiter le Yémen, pays musulman aux traditions millénaires,
c’est avant tout se renseigner et adopter une attitude respectueuse.
ÉTAPE 3
Les montagnes du Djebel Harraz
Nous partons pour plusieurs jours de marche dans les montagnes à l’ouest de Sanaa, en suivant les terrasses couvertes de plants de café… et de qat ! Les effets de cette plante, symbolique de toute la péninsule Arabique, ressemblent à ceux de la caféine. Les hommes se réunissent tous les après-midi pour mâcher le
qat et parler entre eux de politique, de religion, de philosophie… et aussi de
football ! C’est un rite auquel quasiment tous s’adonnent, même si les jeunes générations semblent s’en détacher.Notre trek sur les sentiers parfois un peu raides nous permet d’approcher bon nombre de villages fortifiés. Certains sont posés, comme nos anciens châteaux forts, sur des pitons rocheux aux pics vertigineux. Nous croisons une population
qui semble contente de notre passage, n’hésitant pas à entamer la conversation au détour d’un chemin. Les enfants courent autour de nous et sont ravis de se faire photographier. Nous dormons sous la tente, ce qui nous offre le matin des levers de soleil somptueux et inoubliables.
ÉTAPE 4
La mer Rouge
Retrouvant les voitures, nous sortons des montagnes par des vallées
verdoyantes pour déboucher tout d’un coup sur un désert immense et plat à perte de vue. Nous filons vers la mer Rouge, vers le port de Hodeidah que nous rejoignons en début de matinée, juste au retour des bateaux de pêche. Superbe ! Les barques yéménites ont une forme ventrue et élégante et sont décorées sur toute leur longueur. Nous déambulons au milieu d’une foule de pêcheurs et d’acheteurs. Comme sur tous les ports du monde, ça crie, ça se bouscule, et les poissons, requins en tête, sont entreposés en tas impressionnants.Nous partons ensuite vers le sud, longeant la mer. Ce soir, nous dormirons dans les dunes, loin de tout. Le lendemain, nous passons à Mokha, un port qui connut son heure de gloire avec le commerce du café. Mais c’est bien fini et aujourd’hui, il se meurt lentement, envahi par le sable et oublié des hommes. La mer y est étrangement verte et le ciel gris plombé. Nous repartons, traversant le désert côtier pour rallier Taez, la grande ville du centre.
ÉTAPE 5
Taez
Grande ville qui se développe rapidement, Taez est située sur de hautsplateaux cultivés et verdoyants. C’est le grenier du Yémen. Le climat y est tempéré, le paysage couvert de terrasses et les fermes sont nombreuses. On est loin de la pauvreté rencontrée dans certains villages de la côte.
Posée à 1400 m d’altitude, la ville est moderne. Seules les mosquées et
quelques anciennes bâtisses témoignent de son histoire.Nous flânons dans le souk et tournons autour des mosquées. Elles sont trois,
couvertes par des dômes multiples et nous ne pouvons en visiter qu’une seule, en travaux. La décoration intérieure est superbe, digne représentante de l’art islamique,tout en stuc ciselé et peint. Plus loin dans la ville, une colline abrite des maisons modernes et luxueuses à l’extrême, cernées de barbelés et de portails massifs.Finissant la journée dans le souk, je me déniche dans une petite échoppe un magnifique cylindre en argent ouvragé, sûrement un étui à parchemin. Il restera chez moi le seul objet que je conserverai de ce voyage, avec un morceau de myrrhe trouvé dans le souk de Sanaa.
MÉMO VOYAGE
À savoir :
Le Yémen est réellement dépaysant, au sens propre du terme :
des villages qui semblent être restés au Moyen Âge côtoient des immeubles à la modernité outrancière. La vie des Yéménites semble guidée par les traditions (la séance de qat, par exemple), mais le téléphone portable est aussi devenu omniprésent et a sûrement bouleversé leur rapport au temps et à la réflexion.
La visite en solitaire n’est guère possible : vous devez obligatoirement prendre un guide. L’idéal est de se joindre à un petit groupe (neuf personnes maximum) en choisissant un circuit. Attention, certaines randonnées de montagne nécessitent une bonne condition physique.
Depuis quelques années, les infrastructures s’ouvrent au tourisme et vous trouverez beaucoup d’hôtels simples, voire spartiates,extrêmement bien tenus par des Yéménites aux petits soins, dans des maisons traditionnelles rénovées. Et, faut-il le répéter, l’accueil de la population est très agréable. Leur sincérité n’a pas encore été gangrenée par le tourisme de masse, mais dépêchez-vous, car les ports de la mer Rouge commencent à voir
débarquer les bateaux-immeubles des croisiéristes…
L’euro est parfaitement accepté dans toutes les boutiques de change (la monnaie est le rial yéménite) que vous trouverez dans les souks. Ce n’est plus la peine de passer par le dollar…
À découvrir :
Tout ! C’est un pays aux visages multiples : les hauts plateaux du centre, les chaînes de montagnes qui peuvent atteindre 3 600 m d’altitude, les côtes de la mer Rouge et les déserts de l’est, l’île de Socotra…
Vous ne risquez pas la monotonie.
Vous pouvez juste éviter les faubourgs des villes et de la capitale, Sanaa, car ils ressemblent à tous les faubourgs du monde : béton anarchique, rues défoncées et sales.
Prenez le temps d’aller manger dans les « cantines » yéménites des petites villes plantées au bord des routes : vous y trouverez une ambiance chaleureuse et authentique.
Vous trouverez au Yémen un artisanat assez riche et varié.
Les bijoux yéménites en argent, par exemple, ne sont vraiment pas chers et souvent très beaux. Vu le nombre de boutiques qui en proposent, on peut douter qu’ils soient tous fabriqués dans le pays ! Pensez aussi aux tissus et aux objets en cuir (la fameuse jambia, le couteau recourbé yéménite : on en trouve à tous les prix…). Prenez surtout le temps de déambuler dans le souk de Sanaa… Vous y trouverez bien sûr des épices, mais aussi des pistaches, des cacahuètes, du sucre en plaques, du café et une merveille : le miel ! On dit qu’au Yémen, il est le meilleur du monde. Ce n’est sûrement pas faux et à votre retour, vous ferez à coup sûr des heureux…
À éviter :
Les photos ne posent en général pas de problème, mais dans certains cas, il n’est pas inutile de demander l’autorisation avant de prendre un cliché de quelqu’un. Les gamins adorent poser et en redemandent. L’appareil numérique permet de montrer immédiatement la photo prise, et c’est une bonne manière de créer un lien avec les Yéménites et d’entamer le dialogue.
Par contre, ne prenez jamais les femmes voilées en photo.
Même de loin. Cela peut vous attirer de graves problèmes avec les hommes qui vous voient faire. C’est avant tout une simple question de respect de la culture musulmane. Dans le même ordre, évitez les shorts et, mesdames, préférez les manches longues.