On se croirait dans un tableau de Millet. Des paysans fauchent l'herbe à la main. Le foulard noué sur les cheveux, des femmes rassemblent le fourrage pour l'hiver. Un vieil homme conduit sa charrette débordante de foin tirée par deux boeufs. Au coeur de la Roumanie, le long des contreforts des Carpates, la flèche d'un clocher transperce soudain l'horizon : l'église fortifiée de Viscri apparaît bientôt sur son promontoire, imposante, dominant les jolies maisons couleurs pastel. Une centaine de citadelles saxonnes se dressent ainsi dans le sud de la Transylvanie. Villes et villages témoignent d'une civilisation allemande qui a façonné pendant huit siècles cette marche de l'Europe centrale. À l'appel du roi de Hongrie Geza II, paysans et nobliaux de Lorraine, du Luxembourg et de Rhénanie colonisèrent, dès le xiie siècle, cette région fertile pour la protéger contre les Turcs et les Tartares. Grâce aux privilèges donnés par les rois hongrois, ils bâtirent de puissantes cités. Depuis la Seconde Guerre mondiale, les Saxons ont massivement émigré en Allemagne. Ceux qui sont restés défendent avec fierté leur patrimoine au milieu des communautés hongroises et tsiganes de Roumanie.
Au numéro 13 de la rue principale de Viscri, une femme vêtue de noir nous reçoit avec une gentillesse exquise. Dans la cour, un daim, quelques poules et deux chiens jouent dans un joyeux vacarme. Elle sort de son tablier une grande clé, précieux sésame qui ouvre les portes de la citadelle classée patrimoine de l'humanité. Cinq tours et bastions couronnés par un balcon en bois se dressent sur l'enceinte blanche. À l'intérieur, tout est organisé pour soutenir un siège. Au centre se dresse l'église. Du haut du clocher, le plan typique du village saxon se lit comme sur une carte : les jolies maisons à fronton s'ordonnent impeccablement ; derrière leur portail en bois, une étroite parcelle de terre aligne cour, grange et verger.
Il faut traverser une banlieue grise marquée par les grands ensembles de la période communiste, avant de plonger dans l'atmosphère gothique flamboyante des villes médiévales : Brasov, Medias, Sibiu, Sebes... Autant de petites Prague à découvrir d'urgence. La plus belle est Sighisoara, avec son enceinte fortifiée et sa superbe tour d'horloge. Dans les ruelles aux pavés disjoints, on flâne entre les façades colorées des riches maisons médiévales. Quant à Sibiu ou Hermannstadt (son nom allemand), elle se refait une beauté. Cette ville estudiantine dégage une extraordinaire impression de bonheur et de liberté, avec ses milliers de jeunes qui s'enlacent amoureusement sur les bancs publics.
Y aller
Échange-Roumanie : billets d'avion au meilleur prix, location de voiture, chambres chez l'habitant... Dans un véritable souci de développement durable de ces villages (04-77-52-45-05,
www.echange-roumanie.com).
Se loger
Hôtel Sighisoara : au coeur de la vieille ville, tout le confort moderne dans un bâtiment âgé de 500 ans magnifiquement restauré. Double à 45 ¤, suite à 70 ¤ (rue Scolii n° 4-6, Sighisoara ; tél./fax : 0040-265-771-000, e-mail : hotelsighisoara@elsig.ro).
À noter
Office national du tourisme roumain (7, rue Gaillon 75002 Paris, 01-40-20-99-33 ).
À savoir
Parmi la centaine de villages saxons, sept sont classés par l'Unesco : Viscri, Biertan, Câlnic, Prejmer, Dârjiu, Saschiz, et Valea Viilor. Parler allemand est un avantage évident.