Le petit garçon, juché sur un chameau qu'il entraîne pour la course, tient un téléphone mobile à l'oreille. Dans le centre commercial, la jeune fille laisse dépasser son jean de son long manteau noir transparent, et son voile posé sur la tête ne cache pas son Rimmel ni ses lèvres maquillées. L'homme, dans sa robe blanche, chèche blanc, barbe courte, se promène, son adresse e-mail dans le portefeuille. La tête au XXIe siècle, les pieds dans le sable, les Dubaïotes en blanc et noir sont les pièces d'un jeu de dames. Ils nous invitent à y jouer avec élégance et un sens de l'hospitalité exceptionnel.
Faire du tourisme à Dubaï? Quelle idée! On vous dit: «Tu pars avec ton tchador?», «Tu vas nous jouer Jamais sans ma fille?» ou «A part des puits de pétrole, il n'y a rien là-bas». Bref, quand votre interlocuteur a une vague idée de l'endroit où se situe la ville, il confond tout: il y met en bloc l'intolérance de l'Arabie Saoudite, les robinets d'or des Bédouins, rois du pétrole mal dégrossis, et des paysages désertiques arides où poussent des tours de béton. On est loin du rêve et des vacances. Et pourtant...
Pourtant, c'est le pays des Mille et Une Nuits, de la caverne d'Ali Baba, celui des contes de notre enfance pleins de mystères, de ces quatre étoiles qui guidaient les marins: al-Yath au nord, al-Qoth au sud, Mutlaa à l'est, al-Maghrib à l'ouest.
Cité des marchands, ce petit morceau de désert, placé sur la route de la soie, se trouve, depuis le VIe siècle, au cœur du passage des caravanes et des routes maritimes avec un port naturel, la Creek, qui partage Dubaï en deux. Il accueillait de grands dhows (bateaux) en bois, chargés de marchandises, venus de l'Inde, de la Chine et du Vietnam, qui sillonnaient l'océan Indien pour repartir vers l'Afrique. Le commerce traditionnel de la perle fine, à bout de souffle au début du XXe siècle, a été avantageusement remplacé par le pétrole. Petit village de pêcheurs, en 1960, Dubaï est devenu la plaque tournante du commerce international. En 1970, il n'y avait qu'un seul hôtel, aujourd'hui, on en compte près de 250 et, parmi les derniers construits, le plus haut du monde, le Jumeira Beach.
Avions-cargos dans le ciel, superconteneurs sur la mer, autoroutes sur le sable, zone industrielle, cette ville, au premier coup d'œil, arbore sa modernité de fourmilière commerciale. Mais, ici, c'est l'Orient avec ses souks au détour d'une rue et le désert au premier virage. Ici, c'est aussi le pari du défi à la nature: en deux ans, les chantiers ont été remplacés par une végétation généreuse. Jardins, fleurs, arbres abondent grâce au quadrillage de tuyaux d'arrosage qui diffusent en permanence un goutte-à-goutte dans chaque centimètre carré de sable.