Si lorsque l’on fait ses premiers pas dans Marrakech on ne ressent pas le même frisson qu’à croiser une femme qui pourrait compter dans sa vie, autant repartir. Le velours soyeux de l’air, le ciel gravé de palmiers, les murs d’ocre séduisent à jamais : alors on y est prêt à tout.
D’abord privilège pour quelques initiés, la cité marocaine s’est depuis longtemps ouverte aux charters sans y perdre son âme. Aujourd’hui, elle bouillonne d’une masse confuse de people en mal d’orientalisme néo-colonial, de retraités en délocalisation, de spéculateurs immobiliers et de requins venus de partout.
Le gîte
Est-ce toujours un must d’y acheter un riad, vieille maison traditionnelle modeste conçue autour d’une cour patio dans une ruelle d’un quartier modeste ? Et est-ce bien raisonnable de faire une maison de riche dans un tel environnement ; vivre une autre civilisation, est-ce si facile ? L’idée originelle y fut surtout d’y créer une maison d’hôtes, forme d’illusion hôtelière et d’amateurisme. Des Marocains l’avaient déjà fait pour les routards. Il s’en est aménagé 650 en quelques années, et les abus n’ont pas manqué. Plus d’une centaine ont dû être fermées. Y séjourner quelques jours est dépaysant. Mais mieux vaut passer par une agence spécialisée. Internet a beaucoup triché sur l’image. Certaines sont de belles réussites de décoration, de confort et de prix (répertoriés dans Maisons d’hôtes et de charme au Maroc , chez Népenthés). Quant aux riads qui restent à vendre, ils sont devenus inabordables.
Le riad dépassé, reste l’achat de villas ou d’appartements hors la médina dans des domaines luxueux près de la ville ; comptez alors de 2,5 à 15 millions de dirhams (227 000 à 1,4 million d’euros). Ils sont signés parfois de noms connus, Guerrand-Hermès ou Poniatowski, fervents de la ville. Les Casablancais et les R’batis dont la fréquentation explose sont preneurs. En revanche, on reste dubitatif devant les maisons proches de l’aéroport ou devant celles que l’on promet posées au bord de lagons : d’où viendra l’eau ? Le syndrome tropézien a engendré trois « plages », dont l’une à vagues artificielles. Marrakech se voit aussi doté de travaux pharaoniques par Sa Majesté : un quartier neuf d’hôtels et d’immeubles au long d’une impressionnante avenue de plus de 8 kilomètres filant vers l’Atlas.
En attendant, l’éventail hôtelier est déjà vaste et pas forcément ruineux. On trouve des chambres modernes à moins de 1 000 dirhams (90 euros). La solution économique passe par les forfaits avion-séjour des agences de voyages à moins de 400 euros.
Le couvert
Côté restaurants, c’est pléthore et les prix s’affolent (on atteint vite les 900 dirhams, 82 euros). De bons chefs (Leroy et Tarridec de Saint-Tropez, Biscay de Paris), de plus célèbres (Ducasse) conseillent. Il y a bousculade de tendances : bars à tapas, lounges, fooding, bistrot, brasserie, etc. : ça ouvre, ça ferme, ça change. Les décors s’inspirent des modernités parisiennes, ce qui ravit les Marocains curieux d’exotisme et enthousiasme les people qui s’y retrouvent (Bo et Zin, Abyssin, ou encore RDV).
Mais la bonne cuisine marocaine classique (La Maison arabe, Marocain de La Mamounia) ou chic (Tobsil) persiste dans la médina avec ses hauts et ses bas touristiques.
Depuis Churchill, avant la guerre, la tribu des riches et célèbres a toujours goûté Marrakech. Mais elle n’est plus une et indivisible : c’est à celle qui trouvera le schisme salvateur. Alors, certains, comme Saint Laurent, Bergé, Scherrer, Edouard Baer, Françoise Fabian, Muriel Robin, préfèrent tâter de la tentation tangéroise. L’été, ça va, mais l’hiver le vent d’est y est épuisant. Essaouira est déjà passé aux bobos. Nadine de Rothschild a présenté son vin ici, à Marrakech : alors… Allez donc échapper à Marrakech !