Dans les paysages lunaires d’Europe du Nord
A 27 ans, on a envie d’être un baroudeur : asticoter des crocodiles en Australie et s’enfuir en courant, juste pour rire, ou boire le thé en contemplant le vent sculpter les dunes dans le Sahara. Pour moi, ça, c’est la vie.
Mais il faut commencer par ce qui est à sa portée : le tour de l’Islande en sac à dos et en solitaire, ça me paraissait déjà pas mal. Des glaciers, des volcans, de quoi en prendre plein la vue en ne se faisant pas trop mal. J’ai pris mon billet d’avion sur un coup de tête, un jour où le boulot me laissait un peu de temps pour souffler et flâner sur la Toile.
Pris d’un léger sentiment de panique par la suite, j’ai fait face à ce défi héroïque en potassant le « Guide du Routard », en achetant une tente et en bravant le regard ahuri de mes proches qui me demandaient : « Quoi ? Tu pars tout seul ? En Islande ? Toi ? » J’ai quitté Paris le 27 juin 2013 pour dix-huit jours islandais. En sachant qu’à cette époque de l’année, les journées là-bas sont très longues, car même si le soleil est couché, il fait toujours jour.
ÉTAPE 2
LES ÎLES VESTMANN Après une première nuit à marcher sous la pluie en sortant de l’aéroport pour trouver un camping… introuvable, je suis pris en stop par des touristes en 4×4 jusqu’à Reykjavik, qui se trouve être particulièrement loin de l’aéroport… Je me balade dans la capitale, qui est un peu moins grande qu’une ville comme Toulon, je prends le bus vers le sud et j’embarque sur un ferry pour les îles Vestmann.
En matière de baroud de l’extrême, l’arrivée dans ces îles, ce n’est pas de la rigolade : une mer très agitée sous un ciel bas et grondant, le bateau qui rentre dans une rade étroite entre des hautes falaises et des centaines d’oiseaux qui volent en piaillant à tue-tête… De quoi composer un sacré souvenir.
Quand le soleil a fini par pointer son nez, j’ai exploré l’île, connue pour avoir vécu une éruption en 1973. C’est beau, très beau. Certes, pour atteindre certains sommets, on escalade des pentes extrêmement glissantes ; et pour ne pas glisser, on tente de s’accrocher à des herbes bien grasses… Mais ça en vaut vraiment la peine. Je fais une belle balade en bateau autour de l’île principale (avec la compagnie Viking, que l’on trouve sur le port). J’ai pu voir des macareux, des espèces de pingouins à tête noire, et des grottes sculptées dans les falaises par les différents phénomènes géologiques. Sur le ferry du retour, j’ai rencontré un camarade de voyage qui m’a indiqué de nombreux coins à visiter sur l’île et donné son numéro de téléphone, en cas de pépin.
ÉTAPE 3
LA CÔTE SUD L’Islande, on en fait le tour. On prend un Timamidi, le passeport pour le bus, et on se déplace tout autour de l’île en s’arrêtant dans les villages ou dans les campings – très biens tenus, tout comme les auberges de jeunesse.
Sur la côte sud, on peut voir des choses magiques comme la chute de Skogafoss, ou grandioses comme les langues de l’immense glacier Vatnajökull, vaste comme la Corse. Il y a également de très jolies balades à faire du côté de Skaftafell, autour des chutes de Svartifoss. Arrêt indispensable au lac Jokulsarlon, dans lequel nagent des icebergs bleus et noirs (plutôt noirs, car le glacier embarque beaucoup de sédiments pendant son voyage jusqu’à la mer) et où vivent tranquillement quelques phoques.
Sur cette partie du voyage, j’étais en compagnie d’un Italien très sympathique rencontré dans une ferme près de Skaftafell. On a eu la chance d’arriver à Höfn pour le Lobster Festival, une fête locale célébrant le homard islandais (tout petit par rapport au homard de nos traditions culinaires françaises). L’ambiance était vraiment très sympathique : des groupes reprenaient les Beatles sur la scène de la place principale, tous les gamins du coin étaient regroupés autour du chanteur, c’était très festif et décontracté. J’ai laissé là mon compagnon de route de quelques jours pour partir vers le centre et rejoindre la région du lac Myvatn.
ÉTAPE 4
LE CENTRE On raconte dans les guides que certaines années, en Islande, c’est l’enfer à cause d’une sorte de mouche qui pullule autour du lac Myvatn. J’ai eu une chance insolente : non seulement je n’ai pas vu une seule de ces bestioles, mais à partir de là, le soleil m’a suivi quasiment jusqu’au bout du voyage. Il y a des balades féeriques à faire autour de ce lac. C’est une région volcanique qui doit rendre les géologues les plus austères aussi hystériques qu’une groupie dans un concert. Cet endroit de l’île est situé entre les plaques européennes et américaines, et ça se remarque, surtout si vous grimpez sur le volcan Hverfjall (inutile d’essayer de le prononcer, comme beaucoup de noms islandais) et que vous marchez ensuite entre les paysages lunaires de Dimmuborgir. L’activité volcanique permet d’ailleurs au pays de produire une électricité géothermique propre et peu coûteuse exportée jusqu’en Écosse.
Il y a une route qui part du lac pour rejoindre la côte nord en passant par le volcan Krafla et le parc de Jökulsárgljúfur (je répète : inutile de vouloir prononcer). Cette route n’est empruntable qu’en 4×4 et en bus spéciaux, et permet de voir des merveilles islandaises comme les chutes de Selfoss et Detifoss. À faire absolument.
ÉTAPE 5
LA CÔTE NORD ET LA PÉNINSULE DE SNÆFELLSNES En arrivant à Húsavík, charmant petit port sur le bord d’un fjord gigantesque, j’avais la ferme intention d’observer des baleines grâce au whale watching local. Mais je n’en ai malheureusement vu qu’en photos au musée de la Baleine. Quelques dauphins ont eu la gentillesse de remplacer les grandes absentes… J’ai voulu rattraper cet échec en m’offrant un repas au restaurant, mais les prix islandais étant ce qu’ils sont et mon budget d’alors étant ce qu’il était, mon premier repas chaud après onze jours de sandwichs fut un hamburger avec des frites. On est un baroudeur ou on ne l’est pas !
J’ai rejoint Akureyri, puis Stykkishólmur, sur la péninsule de Snæfellsnes, à l’ouest du pays. Belle région, où l’on peut même faire un tour en bus sur le volcan Snæfellsjökull (l’entrée du centre de la terre d’après Jules Verne) et prendre le bateau jusqu’à la petite île de Flatey, un étrange endroit perdu entre Snæfellsnes et les fjords du nord. Un petit village, desservi deux fois par jour par le ferry, continue de vivre. On y trouve des vieux tracteurs hors d’usage, quelques moutons, des oiseaux peu accueillants qui vous attaquent en piqué dès vous vous approchez de leur territoire, et pas un seul arbre.
ÉTAPE 6
LANDMANNALAUGAR Dernière partie du voyage : le Landmannalaugar, dans le centre de l’Islande. Ici aussi, les volcans ont laissé des traces : la région est un festival de terres ocre, rouges, vertes… Des fumées s’évadent du sol, les mares bouillonnantes et les sentiers balisés sont nombreux. À noter que les Islandais prennent grand soin du coin : l’entretien des sentiers est impeccable, ça aide les touristes un peu perdus à retrouver leur route quand ils s’embarquent sur la piste d’un trek de quatre jours en croyant faire une simple balade d’une heure ! Petit détail à garder en tête si vous avez la chance d’y aller : il fait froid la nuit, même en juillet ! Ce qui rajoute du charme au Landmannalaugar, c’est la source d’eau chaude à côté du camping. Les promeneurs peuvent s’y prélasser après quelques heures de marche : du pur bonheur, bien aménagé, dans un cadre divin.
Passés ces derniers jours succulents, il a fallu repartir à Reykjavik. Un dernier soir dans un pub local à beaucoup discuter et beaucoup boire (mais pas la bière locale, elle n’est vraiment pas bonne) avec un Islandais très sympa et le lendemain matin, l’avion me ramenait à Paris.
MÉMO VOYAGE À savoir :En Islande, vous aurez froid, vous serez tout le temps mouillé, vous marcherez beaucoup sur des sentiers pas toujours faciles. Mais vous en serez toujours récompensé : une belle cascade, des oiseaux rigolos, des couleurs incroyables, un arc-en-ciel au détour d’une montagne… C’est un autre monde.
Quant aux Islandais, ils ne paraissent pas engageants au début, mais tous ceux que j’ai croisés étaient adorables ! En fait, la culture du tourisme est encore assez récente là-bas et je pense qu’ils ne poussent pas le contact plus loin uniquement parce qu’ils craignent d’être impolis. Les circonstances aidant (dans un bus, un pub, lors d’un festival…), n’hésitez pas à leur demander ce qu’il y a à voir dans le coin quand vous arrivez quelque part, ils le savent mieux que n’importe quel guide et seront ravis de vous le dire. En anglais bien sûr, qu’ils parlent quasiment tous impeccablement.
À découvrir :Ce que je n’ai pas vu mais qui, paraît-il, vaut le coup d’œil : les fjords du nord, le Blue Lagoon, la vie nocturne de Reykjavik, les geysers, l’Islande en hiver avec les aurores boréales.
À éviter :N’oubliez pas vos chaussures de marche, vos affaires de pluie, des vêtements chauds – même en plein été –, et un appareil photo. Vous trouverez facilement des bornes Internet. Ce n’est pas trop la peine de potasser votre guide, prenez votre billet, partez, vous verrez bien sur place… comme un vrai baroudeur !