ÉTAPE 1
POURQUOI, COMMENT ?J’ai d’abord été accroché par des photos magnifiques dans un magazine… Et quelques jours plus tard, par les Notes atlantiques, de Jean-Yves Loude (éd. Babel), un passionné du Cap-Vert. J’ai refermé le livre, pensif, mais l’évidence était déjà en moi : c’est décidé, j’irai là-bas, moi aussi !
Bien sûr, on connaît la musique du Cap-Vert et sa plus majestueuse ambassadrice, Cesaria Evora. Mais si je file sous ces latitudes, ce sera plutôt pour y dénicher des lieux et des gens capables de donner des fourmis à mes crayons… Je veux retrouver les sensations enfouies, mais que j’espère jubilatoires, du dessinateur voyageur.
Secrets du Monde, une agence parisienne, me balise un peu le voyage : réservations des vols interîles et des nuits en pousadas(maisons d’hôtes) ; pour le reste, à moi de jouer… Je compte bien me laisser porter par le vent du Nord et les alugueres (taxis collectifs) pour découvrir cet archipel de dix îles situé à 600 km du Sénégal.
Je suis aujourd’hui rentré de ce périple en solitaire, effectué en mars 2014. J’en ai rapporté près d’une centaine de dessins divers. Comme autant d’invitations à partir à votre tour vers ces îles incroyablement séduisantes qui ont redonné des couleurs (parfois noyées dans l’harmattan) à mes envies de voyages. Au programme, les îles de Santiago, de Fogo, São Vicente, Santo Antão, São Nicolau et Sal. Bonne balade !
ÉTAPE 2
L’ÎLE DE SANTIAGOPassage rapide par l’aéroport de Sal et arrivée à Praia, la capitale. Je loge dans un petit hôtel sur le Plateau. C’est le centre historique de la ville, qui surplombe tout le reste. C’est surtout un quartier incroyablement animé ! Dès 7 heures, je plonge dans la vie capverdienne.
Coincé entre deux rues, un marché couvert. Les femmes règnent sur des étals foisonnant de couleurs, de formes, de senteurs… Devant le palais de la Présidence, je fais mon premier dessin, l’ilôt Santa Maria, au cœur de la baie. Ce jour-là, il est comme enchâssé dans un cocon ouateux et jaunâtre. C’est le vent de sable venu du Sénégal, l’harmattan, qui étouffe les perspectives.
Je descends vers Sucupira, le « marché aux tonneaux ». La marchandise, qui arrive par bateau, est rangée dans de gros bidons noirs marqués de chiffres blancs. On y trouve de tout : vaisselle, mobilier, produits de beauté, hi-fi… Le lendemain, je monte dans unaluguer en direction du nord de l’île. L’aluguer est la version capverdienne du taxi-brousse, ou comment faire rentrer le plus de passagers dans un minibus Toyota de douze places. Je compte : nous sommes vingt-trois ! Avec la musique à fond, pour mettre un peu d’huile dans l’entassement !
Arrivée à Tarafal. Nuit dans un bungalow au bord de la plage, ce qui serait épatant si une volée de singes ne prenait pas le toit en tôle pour un terrain de jeu… Le lendemain, j’emprunte un sentier qui monte vers une chapelle blanche perchée sur un promontoire. Sur la fin, je me retrouve accroché à la falaise, la mer rageuse battant les récifs 150 m plus bas… Je ne fais pas le fier ! Il me semble presque y apercevoir le regard gourmand d’un requin en maraude…
ÉTAPE 3
L’ÎLE DE FOGOCette île-volcan a deux visages : celui de ses côtes et celui de lacaldeira (le cratère) centrale, l’intérieur du volcan. São Filipe, sur la côte ouest, est une petite ville attachante. Une architecture portugaise typique, d’anciennes maisons bourgeoises, des palmiers nains le long des rues en pente façon San Francisco, des murs aux tons pastel et une magnifique plage de sable noir : c’est un petit paradis pour le dessinateur en voyage.
Après un week-end passé dans cette ville au charme tranquille, je monte en voiture avec Patrick, un français capverdien dans l’âme, vers l’auberge qu’il tient au cœur du volcan. Et ce jour-là, je marche sur la Lune ! Je découvre l’une des raisons de venir au Cap-Vert : le volcan de Fogo. C’est magique, puissant, minéral… L’intérieur du volcan (éteint !) forme une grande cuvette cernée par des falaises. À l’est, un pan s’est effondré sous la poussée d’un volcan plus jeune qui culmine à 2 800 m. La route, presque rectiligne, traverse lacaldeira jusqu’au petit village de Bangaeira. Elle semble trancher au couteau des coulées de lave solidifiée. Une vague odeur de soufre nous rappelle que la dernière éruption date de 1995… C’est noir et brun sale, et tout à la fois majestueux et oppressant. C’est un univers lunaire, irréel, où la force brute semble suspendue, en attente d’on ne sait quoi…