« Bruxelles est décousue, brouillée, elle ne se donne pas facilement. Elle est aussi multiculturelle ; on passe d'un quartier chic à un quartier populaire... L'Art nouveau y est dispersé, il faut savoir se promener », prévient François , scénographe et auteur des bandes dessinées utopistes « les Cités obscures » à l'esthétique inspirée par Horta. Dans la Maison Autrique, le premier hôtel particulier réalisé par cet architecte emblématique, le dessinateur explique : « A Bruxelles, la particularité Art nouveau est de faire venir la lumière du toit par un escalier central surmonté d'une verrière et par les pièces traversantes. Elle s'illustre aussi par les sgraffites des façades, des fresques qui exprimaient la personnalité des propriétaires, leur confiance... » François est à l'initiative du sauvetage de cette demeure et, de son ouverture au public , ainsi que de sa scénographie qui, des cuisines au jardin, du grand salon aux chambres, réanime la vie d'une famille des années 1900. « La connaissance du passé permet de se projeter dans l'avenir, dit-il. Ici, c'est une micro-utopie », partagée avec la municipalité de Schaerbeck. Dans ce quartier populaire du nord-est, longez l'avenue Louis-Bertrand et l'avenue Sleecks pour rencontrer des îlots complets de maisons Art nouveau ! Observez le gymnase - en décrépitude - et l'école communale - en activité - de la rue Josaphat, édifiée par Henri Jacobs en phalanstère lumineux et riant.
Voilà un bon début aux cinq parcours proposés dans la formidable brochure « Vivre l'Art nouveau » : elle permet de regrouper par quartiers les édifices qui se visitent - une cinquantaine - et quelque 500 façades admirables. Pour pénétrer dans certains lieux privés, il faut attendre les week-ends d'octobre, quand les propriétaires ouvrent leurs portes. Au cours de ces cinq balades (environ une heure et demie à pied chacune), on flâne dans le quartier Saint-Gilles, l'avenue Louise, le secteur des Étangs d'Ixelles, celui des Squares. Le long du Parc du Cinquantenaire, la maison Cauchie, au style étonnamment proche des géométries de Mackintosh, est une autre histoire d'amour : celle de Guy Dessicy, le coloriste d'Hergé, qui sauva en 1980 cette demeure d'artistes. En 1905, Paul Cauchie et son épouse Lina, créateurs de centaines de sgraffites en Belgique, avaient édifié ici leur demeure-atelier, art dont témoignent la façade aux neuf muses et la fresque symboliste du salon.
Incontournables : le Musée Horta et les hôtels particuliers Solvay et Tassel, les anciens Magasins Old England reconvertis en Musée des Instruments de Musique, ou encore les centenaires Magasins Waucquez (Horta, 1906), qui abritent le Centre belge de la Bande dessinée. Immanquable pour ses mosaïques et vitraux, l'Hôtel Hannon, devenu centre de la photographie contemporaine, est à un coin de la rue Defacqz : on y croise la maison de Paul Hankar, mais aussi les vingt-quatre mètres de façade, déjà Art déco, de la villa réalisée par Adrien Blomme en 1928 pour Madame Wielemans. La patronne du fameux hôtel Métropole et sa brasserie, chargés du néoclassicisme xixe, aimait tant le style andalou revisité, qu'elle lui commanda pour un étage de l'hôtel un patio de mosaïques bleues et noires, délicieusement 1930.
Curiosités esthétiques
Bizarre. Les mille pendules et plus du « Clockarium », exposées dans une maison 1930, expriment les tendances de l'Entre-deux-guerres, élégamment géométriques ou lourdement décorées (sur rendez-vous ; http://www.clockarium.com/). Techno. Flagey, l'ancienne maison de la radio construite en 1935 par le Belge Joseph Diongre, est redevenue « l'usine à sons » initiale. Très en vogue pour sa programmation culturelle (cinéma et musique). Au rez-de-chaussée, le café Belga est très tendance . Canaille. Pour remonter le temps, un incroyable coin de rue entre Bourse et Brouckère... Inchangés depuis les années 1930, l'Hôtel du Grand-Colombier (8-10, rue du Colombier) et la Taverne de l'Espérance (1, rue du Finistère) plongent dans les Années folles. D'autant plus sympathiques que ce sont de vrais bars de quartier.
Splendeur Art déco
Troublante et raffinée, cette maison-musée meublée années trente semble toujours habitée ; pas un objet ne fait défaut. Le tapis tissé pour aller avec les couleurs d'une toile de Van Dongen, les verreries de Lalique, les sobres meubles en somptueux bois de palissandre et sycomore, sans oublier le piano de Satie, bruissent encore des amours d'Alice et David Van Buuren, banquier et mécène. En 1925, le couple acquiert à l'exposition des Arts déco de Paris meubles et objets. Autour de ceux-ci, ils font construire en 1928 leur domicile. David aime la peinture, Ensor, Foujita, Gustave van de Woestijne, mais aussi Brueghel et Guardi. Alice adore ses jardins : la grande roseraie, le labyrinthe, le « jardin secret du coeur »... La maison se visite tous les après-midi (sauf le mardi). À la belle saison, les lieux accueillent des expositions de sculptures . Un délicat moment, dans le quartier résidentiel d'Uccle.
32-2-343-48-41, www.museumvanbuuren.com