C'est une maison jaune au décor de stuc blanc et aux parquets sombres. Sur le mur, une citation : «Aqui nasceram os sonhos e cresceram os illusoes»... «C'est ici que naissaient les rêves et grandissaient les illusions.» Elle est signée de Jorge Amado, le pape des lettres bahianaises, écrivain brésilien mondialement connu qui vécut ici et y conçut ses premiers ouvrages. Le bâtiment est aujourd'hui un modeste musée auquel Zelia Gattai, la compagne du romancier, a fait don de quelques insolites objets fétiches : chemise hawaïenne, boubou africain, couvertures de livres...
Nous sommes à Ilhéus, petite ville berçant ses nostalgies, rêvant encore au temps où, riche et prospère, elle était connue dans le Nordeste comme « la Princesse du Sud ». La capitale de cette « Côte du Cacao » qui s'étend entre les plages de sable fin de l'Atlantique et les étendues luxuriantes de la forêt tropicale, véritable paradis écologique. Introduite par les jésuites, grands voyageurs, la fève sacrée des Aztèques a fait la fortune de la région ; et, au début du XXe siècle, celle des grands propriétaires qui se faisaient appeler les « colonels du cacao » - comme il y avait, à Belém, les « barons du caoutchouc ». Les photographies de l'époque montrent des rues bordées de maisons néoclassiques, peuplées d'hommes en costumes clairs et panamas, tellement riches, dit la légende, qu'ils allumaient leurs cigares avec des dollars ! Pour les distraire, on faisait venir de Montmartre des danseuses qui levaient la jambe au Bataclan, un cabaret inspiré de son homologue parisien. Des chambres étaient accessibles par une ruelle rejoignant discrètement la place de la Cathédrale, permettant aux messieurs de retrouver ces dames pendant que les épouses suivaient la messe.
Deux « chocs cacaoyers » eurent raison de cette superbe : la guerre mondiale qui, interrompant les échanges commerciaux, causa la ruine des planteurs et des négociants. Puis le « balai de sorcière », une affreuse maladie qui décima les arbres. Aujourd'hui, la ville s'efforce de développer le tourisme tandis que le long des routes campent des « sans terre » attendant les réformes promises par le président Lula. Le grand port d'où partaient jadis les navires vers les capitales européennes n'accueille plus que les bateaux de croisière sur lesquels veille une statue du Christ de 7,50 mètres de haut.
La région dispose de ressources écologiques - la forêt tropicale est restée intacte car la culture des cacaoyers se fait à l'ombre - et culturelles : au fil des rues se révèlent des merveilles d'architecture, comme le Palàcio Paranagua (la mairie), le Théâtre municipal ou les alignements élégants de la rue Antonio Lavigne. Certains bâtiments sont animés par des comédiens qui font revivre l'âge d'or des « colonels ». Des librairies aux enseignes des bars, partout est évoquée l'héroïne de « Gabrielle, girofle et cannelle », l'illustre roman de Jorge Amado. La ville a oublié qu'à l'époque de sa parution (en 1958) il avait fait scandale, épinglant la société locale à la grande fureur des personnes concernées.
Dans la campagne, on peut visiter des plantations reprises par des coopératives. A la fazenda Yrerê (« la ferme des canards ») on est guidé par un gérant qui explique les secrets de la culture. La fertilisation - assurée par une fourmi qui circule entre les arbres -, la récolte, la fermentation, le séchage... On goûte ensuite au chocolat fait maison, au jus de cacao à la délicieuse saveur acidulée et on peut même savourer une plantureuse collation matinale : tapioca arrosé de lait de coco, beijus (petites crèpes de tapioca) et fruits tropicaux. Prélude à de longues balades dans la nature préservée, entre Canavieiras, ses plages et ses îles, et Itacaré, village de pêcheurs devenu station balnéaire branchée où Brad Pitt et Madonna viennent partager la merveilleuse décontraction du style de vie à la brésilienne : T-shirt et havaianas pour tout le monde ! Et pour les amateurs de faune et de flore sauvages, le bonheur dans les profondeurs de la « mata atlântica » qui garde sa mystérieuse beauté.
Y aller
Paris-São Paulo, TAM, 01-42-25-17-17. Ilhéus est à 2h15 d'avion de São Paulo, ou 50 min de Salvador de Bahia sur la TAM.
Séjours à la carte organisés par la Maison des Amériques latines, 01-53-63-13-40
Se loger
Entre Itacaré et Ilhéus, deux beaux hôtels en pleine nature :
Aldeia da Mata (73) 9981-8962) et Itacare Eco Resort (73-251-31-33).
Visiter
Fazenda Yrerê, (073) 3656-5054.
Chocolate Caseiro Ilhéus, (073) 3639-53-00. Fabrique de chocolat artisanale.
Lire
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