«Toros » obligent, il y a beaucoup d’Espagnols à Arles. Entre eux, lors d’apéritifs prolongés où le « fino » fait danser des Sévillanes dans les yeux, ils appellent le quartier des arènes l’Arénal. Comme on le fait à Séville ou à Madrid. Pourtant, Arles est bien plus romaine qu’espagnole. Mais cet Arénal dégage un tel sens de la fête ibérique que finalement les deux tendances, latine et sévillane, semblent célébrer ici des épousailles de bonheur. Rien d’étonnant puisque cette ville possède l’incroyable privilège d’offrir le plus
beau décor du monde à ces noces paganistes.
· Pas moins de sept monuments, la plupart concentrés autour des arènes, sont inscrits au patrimoine mondial de l’humanité. Certaines régions françaises n’en ont aucun. C’est dire si Arles génère jalousie et envie. Énumérons. Il y a l’amphithéâtre, autrement dit les arènes, le théâtre antique, les Alyscamps, Champs-Elysées arlésiens, le cloître Saint-Trophime, l’église Saint-Trophime et les cryptoportiques. Qui dit mieux ?
· Ces monuments, pour la plupart romains ou gallo-romains, valent évidemment le détour, comme disent les guides quand ils ne savent plus quoi dire. On pourrait pourtant parler de Saint-Trophime, au nom
si implicitement provençal et qui fut le premier évêque d’Arles. Son cloître offre une quiétude à nulle autre pareille au point que même la feria arlésienne, pourtant si joyeuse et souvent si bruyante, ne vient jamais la troubler. Le portail de son église, véritable BD romane, est le plus beau joyau
roman de la Provence. On ne trouve pas mieux. Du moins dans le pays que Van Gogh peignit avec tant de sensibilité écorchée.
· On pourrait surtout parler des cryptoportiques, qui sont d’impressionnantes galeries évidemment souterraines qui servirent de fondations au Forum. Il faut im-pé-ra-ti-ve-ment les visiter.
Comme il faut se promener en douceur sur les Alyscamps et tutoyer leurs sarcophages, comme il faut suivre les traces du grand peintre à l’oreille coupée dans une épatante promenade que propose l’office de tourisme, comme il faut aller, tous les mercredis, aux courses camarguaises que proposent les arènes.
· Mais l’endroit le plus étonnant est un lieu quasi secret que seuls des Arlésiens initiés font visiter à leurs amis intimes. Il s’agit de l’église de Notre-Dame de la Major. Certes elle n’est pas
exceptionnelle ; pourtant, de chez elle on peut voir toute la Provence, le montVentoux, les Alpilles et même l’abbaye de Montmajour... mais surtout, n’enparlez à personne. Yvan Audouard , qui nous indiqua cette merveille, en serait fâché et lui qui revendiquait le droit à la paresse se retournerait dans sa tombe.
· Limiter l’Arénal aux monuments historiques serait grandement hérétique. Cette belle ville possède les plus beaux marchés de Provence qui ont lieu tous les samedis et tous les mercredis, à deux pas des arènes. La vérité provençale, celle de Frédéric Mistral qui aimait tant cette ville, celle des mots, des cris, des sourires, est là.
· Tomates, oignons, melons, pastèques et concombres se livrent ici à une formidable guerre des couleurs. Selon les humeurs du soleil, qui a des préférences passagères, chacun de ces fruits ou
légumes la gagne... à son tour. C’est du bonheur pour les yeux, le nez et le palais.
· Mais il ne serait pas de balade arlésienne digne de ce nom sans un bon repas. On le prendra chez un chef fort talentueux qui offre au Silantro une cuisine très originale mêlant tradition et voyage (31, rue de la Porte-de-l’Or, tél. : 04.90.18.25.05). Le soir, un verre à l’Aficion, au bas des arènes, sera le point d’orgue de la visite d’une cité qu’il faut lentement pénétrer. Pour finir la nuit, un dernier verre à l’Entrevue (place Nina-Berberova, à côté des éditions Actes Sud où l’on peut en même temps choisir un livre) fera très branché.