Il y a tellement d'îles plus belles les unes que les autres, qu'un article ne suffirait pas pour toutes les citer. Néanmoins, certaines se distinguent des autres par la beauté de la nature qu'on peut y découvrir. Voici alors le top 3 des meilleures destinations, pour découvrir la faune et la flore de l'océan Indien lors d'un voyage. Il y a Madagascar et ses richesses en faune et en flore, ainsi que l'île Maurice et enfin l'île de la Réunion.
Découvrir les plantes et animaux endémiques de MadagascarMadagascar est la plus grande île dans l'océan Indien. Elle est particulièrement riche en ce qui concerne la biodiversité. Grâce à ses aires protégées et ses parcs naturels, il est possible de découvrir la beauté de la faune et la flore malgache lors d'un voyage à Madagascar. D'ailleurs, jusqu'à 90 % des espèces de plantes présentes dans l'île sont endémiques. À titre d'illustration, le plus célèbre est entre autres le Baobab, dont six espèces sont endémiques à Madagascar parmi les huit qui sont recensées dans le monde. Beaucoup de circuits touristiques permettent de découvrir les baobabs qui se trouvent notamment dans la région de Menabe, à l'ouest de l'île. Quant à la faune de l'île rouge, elle est également très riche et est comparable à l'endémisme de sa flore. D'après les experts, c'est dû entre autres à l'isolement de l'île que les espèces animales ont évolué au fil des siècles. D'où la surprenante variété de faunes endémiques sur l'île. Grâce à des parcs naturels protégés, certains d'entre eux vivent en liberté. Les plus célèbres animaux endémiques à Madagascar sont les lémuriens et les foosa (le seul prédateur carnivore de l'île). Il est possible de découvrir le foosa dans le zoo de Tsimbazaza, et les lémuriens dans des parcs naturels comme celui d'Andasibe. Pour vos hébergements, il y a pas mal d'hôtel sur l'île avec des prix abordables. Si vous avez envie de luxe, il existe aussi des hôtels à 3, 4 ou 5 étoiles à votre disposition comme l'Andilana Beach à Nosy Be qui attire beaucoup de touristes chaque année. Découvrir le parc des Gorges de la Rivière Noire à l'île MauriceSe trouvant dans l'océan Indien, l'île Maurice est également une destination de choix pour découvrir d'autres espèces de plantes et d'animaux endémiques. L'une des plus grandes attractions touristiques de l'île est entre autres le parc des Gorges de la Rivière Noire. S'étendant sur une superficie de plus de six mille hectares, c'est le plus grand parc naturel de l'île Maurice. Il se trouve au sud-ouest de l'île dans sa partie montagneuse. La visite du parc se fait généralement sous forme de randonnée pédestre, avec l'aide d'un guide. Le parc abrite en son sein l'une des plus rares biodiversités répertoriées le monde. En effet, le parc regorge de plantes, d'arbres et d'oiseaux endémiques. Pas moins de 300 espèces de plantes s'y trouvent, ainsi que 9 espèces d'oiseaux. À la découverte du parc national de La RéunionÉtant une voisine de Madagascar, l'île de La Réunion possède également beaucoup d'animaux et de plantes endémiques. Afin de les protéger, le parc national de La Réunion a été créé en 2007. Puisque La Réunion est un département français d'outre-mer, le parc est également devenu un parc national français. Actuellement, le site naturel des pitons, les fameux cirques et remparts de l'île de la Réunion se trouvent en plein coeur de ce parc national. Comme l'île est une terre volcanique, la végétation y est luxuriante. D'ailleurs, il est possible d'y découvrir certaines espèces de plantes et d'animaux endémiques de l'île. On peut par exemple y trouver le zambaville, le change écorce, etc. ou plus rarement apercevoir l'oiseau papangue péi. Outre la biodiversité exceptionnelle de l'île, la visite du volcan « piton de la Fournaise » qui est encore en activité, est l’attraction touristique la plus populaire de La Réunion. Si la découverte des faunes et des flores vous intéresse, pourquoi ne pas passer vos vacances dans l'Océan Indien et visiter ses îles paradisiaques ? Article rédigé par Mireille de 38000km.com Tout Slovaque, de Bratislava à Kosice, connaît Juraj Janosik. Fils de serf, ce colosse, né en 1688, a bâti sa légende en luttant contre les injustices du féodalisme hongrois, d'abord au sein d'une armée d'insurgés, puis, après sa défaite, à la tête d'un groupe de bandits. Avec - dit-on - la bénédiction de fées tombées sous son charme, il détrousse les riches seigneurs pour redistribuer le butin aux miséreux. Capturé après une trahison, le Robin des bois slave est condamné à mort, le 7 mars 1713, à Liptovsky Mikulas. Il refuse la grâce que lui accorde l'impératrice Marie-Thérèse, et est pendu, trois jours durant, par un crochet planté dans ses côtes, jusqu'à ce que mort s'ensuive. D'après la légende, son trésor serait toujours caché quelque part dans ses montagnes natales. De nombreux artistes ont entretenu sa légende, parmi lesquels le cinéaste Jaroslav Siakel qui, en 1921, lui a consacré son premier long-métrage. Janosik, symbole de courage, de ténacité et de loyauté, a accompagné nombre d'événements de l'histoire slovaque: ce fut le cas, par exemple, lors du soulèvement national du 29 août 1944 contre le régime fasciste de Mgr Tiso. Le brigand au grand coeur est toujours célébré lors des nombreuses fêtes traditionnelles.
TURQUIEUne balade sur les toits des caravansérails du Grand Bazar, un nuage de jurak au miel, une danse mystique avec les derviches tourneurs ou un massage sur le marbre tiède des hammams... L'ancienne capitale de l'Empire ottoman nous surprend encore
Ali tisse des maillots de foot, à la lumière blafarde d'une ampoule électrique, au fond d'un caravansérail - han en turc - l'une des trente forteresses en ruine d'Istanbul, qu'il squatte avec une centaine d'autres travailleurs de l'ombre, sous-traitants du plus grand souk d'Orient. «Des han, il y en a d'autres, c'est de là-haut qu'on les voit le mieux...» affirme-t-il. Il suffit de le suivre dans le dédale du Büyük Valide Han, érigé en 1650, le plus grand han d'Istanbul: trois cours, deux étages qui encerclent une grande cour carrée où s'abreuvaient les chameaux et qui, aujourd'hui, abrite un élevage de coqs de combat, nourris au miel et aux graines germées. Puis on parvient à la mosquée sans minaret ouverte aux chiites arméniens. Au rez-de-chaussée, les écuries, qui abritaient les pur-sang arabes. Au premier, une galerie circulaire qui dessert les cellules, destinées, à l'époque, au repos des marchands ou aux esclaves vendus aux sultans. Au deuxième étage étaient stockées les marchandises précieuses: l'or, les bijoux, la soie. On suit toujours Ali. Des ombres se faufilent dans d'immenses galeries voûtées et obscures, les métiers à tisser résonnent de toutes parts, à une cadence assourdissante. Un filet de lumière jaillit d'une porte dégondée ouvrant sur un escalier menant aux toits. De là-haut, le regard embrasse la ville: la Corne d'or, le pont et la tour de Galata, la tour d'Irène (ancienne tour byzantine), les minarets effilés des mosquées, le va-et-vient des cargos et des pétroliers, et les toits d'une flopée d'autres caravansérails, comme Küçük Yeni Han, construit au XVIIIe siècle, avec sa mosquée au dôme byzantin perchée sur le toit, ou Büyük Yeni, construit en 1754 sous le sultan Osman III, un han à trois niveaux dont la cour étroite abrite les étameurs et ciseleurs d'argent. Istanbul s'apprend et s'apprivoise le nez au vent, au rythme de ses habitants. En parlant, on comprend vite que c'est par le Bosphore qu'il faut pénétrer dans la ville, de préférence avec les dolmus (taxis de la mer), des francs-tireurs qui font de l'ombre aux vapör, bateaux des services municipaux. Avec eux, on passe sur l'autre rive, à Üsküdar, en Asie, entassé avec les popes, les paysannes d'Anatolie et leurs poules, accosté par les barques de pêcheurs vantant la pêche du jour: la daurade, «l'œil noir», le turbot «kalkan». Avec eux, on fait escale pour un autre voyage dans le temps, à Balat, Fener, Fatih, Cibali, les vieux quartiers aux ruelles pavées, véritables toboggans quand il pleut. Derrière les vitres des yali, ces anciennes résidences d'été des notables de l'Empire ottoman, construites en pin ou en chêne, aujourd'hui en sursis après avoir résisté aux nombreux incendies, s'échappent des tuyaux de poêle et le regard perdu des enfants. En s'adressant à la fondation qui gère leur restauration, on peut visiter les plus somptueuses de ces demeures: le yali Kibrisli, celui des Ostrorog où dormit Pierre Loti, celui des Sadullah dont l'intérieur est digne des plus beaux harems. Dans les cafés qui bordent les rues, autour d'un verre d'infusion de romarin ou de menthe, les vieux tapent le carton. Au fond subsistent encore les véritables temples du narguilé qui ont fait planer toute une génération de babas cool en route pour Kaboul. Des pipes anciennes, polychromes, gravées et poisseuses, sont exposées sur des étagères. L'embout serré entre leurs dents en or, alignés sur une banquette en bois, leur veston accroché au-dessus de leur tête, les vieux tirent sur la pipe contenant leur mixture préférée: du jurak (50% de mélasse, 30% de tabac, 20% de fruits) ou du tombak (20% de jus de canne à sucre, 30% de tabac, 50% d'épices). Le rituel est immuable: chacun va chercher son tabac dans le tiroir de bois gravé à ses initiales, prend place sur un banc et attend, silencieux, que le patron dépose les braises, avec des pincettes, sur la collerette au sommet des pipes. Ici, le temps s'est arrêté... Seuls les effluves marins du Bosphore arrivent à s'infiltrer. Omar, 73 ans, regrette les narguilés installés sous l'ancien pont de Galata qui s'ouvrait aux bateaux toutes les trois nuits: «On y fumait dans des salles tout en longueur qui tanguaient au rythme du roulis des gros bateaux...» Mais Omar avoue son faible pour d'autres rituels, comme celui de la salle des ventes des tapis, où il aime se rendre chaque jeudi. Dans une salle obscure et voûtée, acheteurs et vendeurs, installés dans des stèles en haut des gradins, détectent d'un seul coup d'œil, «à la lisière et à la teinture», les trésors parmi la centaine de tapis amoncelés sur plus d'un mètre de haut, comme des bosses de chameaux: un yörük - tapis de style nomade fabriqué par des sédentaires - et un véritable kilim tissé par des Turkmènes. Les bonnes affaires s'arrosent au raki dans un café, ou au mahalli hamam (bains de quartier), serviette et savon sous le bras. Là, sur le marbre tiède, les hommes s'en remettent aux colosses de service, d'anciens lutteurs à l'huile, aguerris à l'art du massage, qui les malaxent au gant sec et les rincent à l'eau froide. Ce lieu n'a rien à voir avec le hammam Cagaloglu, érigé il y a plus de trois siècles, dont les ogives sculptées, les coupoles ajourées de vitraux, les bancs creusés dans le marbre d'Anatolie, les masseurs reconvertis au massage «doux» à l'occidentale, destinée aux épidermes les plus délicats, font toute la particularité. C'est dans les vapeurs du hammam que les langues se délient, que le contact s'établit. On apprend, entre autres, que dans certaines demeures d'Üsküdar, on ne paie pas - comme dans les tekke(couvents) pour touristes - pour assister au sema, la danse mystique des derviches tourneurs, on y est invité. Il suffit de pousser la porte pour regarder ou suivre l'enseignement d'un cheikh, le maître. La danse fait des adeptes chez les paumés et les cadres stressés. Atteindre l'extase, écouter le silence, se ressourcer sont les leitmotive des initiés. Ce «voyage hors de soi-même» trouve son apogée lors de «la ronde des planètes autour du Soleil», rythmée par les sonorités rauques du saz (luth) et des tambourins, lorsque, inspirés par le poète mystique Mevlana Celaleddin Rumi, chaussés de cuir souple, dans leurs tuniques blanches ouvertes comme des corolles représentant le linceul de la mort, les derviches tournent de plus en plus vite, sans jamais se toucher, jusqu'à l'extase. On peut assister à coup sûr au sema, le dernier dimanche du mois, au tekke de Galata, le couvent des derviches. On y accède par une petite porte donnant, à gauche, sur le cimetière des derviches, où trônent le tombeau d'un cheikh et des stèles surmontées de fez à turban, près d'une fontaine aux ablutions et en face d'un café où la jeunesse dorée d'Istanbul sirote un Coca sur fond de musique techno. Partagée entre la nonchalance des collines de Buda et la frénésie urbaine de Pest, la capitale hongroise, jumelle du fleuve bleu, garde tout son pouvoir d'attraction
Implantée dans un site naturel privilégié que beaucoup de capitales européennes peuvent lui envier, Budapest mérite les nombreux dithyrambes auxquels on l'a habituée. Celui de «Reine du Danube» n'est pas sans évoquer un faste et une prestance évidents; la seule mention du fleuve, élément indissociable de sa beauté, rappelle que cette ville fut longtemps le symbole d'un pont entre l'Orient et l'Occident. Le «beau Danube bleu», dont certains esprits chagrins trouveront la couleur sans doute largement surestimée, forme l'épine dorsale d'une cité miroitante qui s'étale sur presque 15 kilomètres. Aimant autant que frontière au cours de l'Histoire, le fleuve oppose ses neuf ponts aux deux rives de la cité, Buda la verte et Pest la grise. Car Budapest est une réalité récente. Longtemps ses deux rives eurent une évolution distincte, et ce n'est qu'en 1873, par décret impérial, que Buda, Obuda et Pest furent réunis en une seule et même cité. Auparavant, les rives de Buda, plus agréables, avaient accueilli la plupart des résidences aristocratiques. Le pouvoir royal magyar ne vint pourtant s'y installer qu'au XIIIe siècle (après s'être longtemps établi plus au nord, dans une boucle du Danube). C'est à l'époque romaine que Buda connut son apogée sous le nom d'Aquincum. La garnison militaire qui la fonda au Ier siècle de notre ère avait pour mission de protéger le limes, la frontière qui les séparait du «monde barbare». Les vestiges exhumés par les archéologues se visitent aujourd'hui sur la berge occidentale du Danube, au nord d'Obuda, très ancien bourg dont le nom signifie «Vieux Buda». Au centre de la cité moderne s'élève le mont Gellert, rocher surplombant le Danube. Ses pentes aménagées en terrasses témoignent de l'implantation d'un oppidum celtique. Du reste, impossible de manquer la colline de Gellert, dont le nom évoque un saint chrétien chargé d'évangéliser la Hongrie, mort en martyr, précipité du rocher, en 1046. Sa gigantesque statue, blottie aujourd'hui dans la pente verdoyante d'un immense jardin public, lorgne vers l'Orient, tout comme celle, plus monumentale encore, installée au sommet du mont pour commémorer la libération de Budapest par l'Armée rouge, en 1945. Comme une parenthèse dans la ville, les sentiers qui sillonnent le rocher forment un lieu privilégié pour prendre le pouls de la capitale, partagée entre la nonchalance des collines de Buda et la frénésie tout urbaine de Pest. Au pied du rocher jaillissent certaines des plus prestigieuses sources d'eaux thermales qui font la notoriété de Buda. On attribue souvent à l'occupation turque, qui dura un peu plus de cent cinquante ans à partir du XVIe siècle, la découverte et l'utilisation de ces sources. En fait, il semble bien que leur vraie paternité soit romaine, voire celtique. Pas question, en tout cas, de quitter la ville sans avoir goûté aux plaisirs des bains: on peut aller se tremper, par exemple, dans celui au charme Art nouveau de l'hôtel Gellert, ou bien encore dans ceux, plus antiques, du Rudas ou de Kiraly, aux origines ottomanes. Passer de bain en bain - toujours plus chauds et vaporeux - sous une lumière tamisée, que distille parcimonieusement une voûte percée de vitraux multicolores, a quelque chose de fascinant. En outre, leurs vertus curatives ne sont plus à démontrer. Pour s'en convaincre, il suffit de privilégier les premières lueurs matinales en se mêlant aux Budapestois, qui font là une pause avant d'aller travailler, et aux noctambules, en quête de reconstituant tonique. Après avoir profité des nombreux atouts que propose une capitale culturelle digne de ce nom, vient celui de goûter aux plaisirs de sa table. Sur ce point, la Hongrie n'est pas avare de spécialités que l'on saura accompagner d'un vin réputé. Le fameux tokay, «vin des rois et roi des vins», bénéficie d'une image de prestige derrière laquelle se cache une vraie culture populaire du vin, que l'on pourra appréhender dans des endroits appropriés, les borozo, tout comme l'amateur de bière possède un temple dédié à son breuvage, le sörözö. Plus raffinés, les cafés littéraires furent, au tournant du siècle précédent, les quartiers généraux d'une bohème littéraire et artistique restée célèbre dans les annales budapestoises. Vides aujour-d'hui de ceux qui firent leur renommée, les cafés subsistants n'en demeurent pas moins des exemples d'une architecture souvent flamboyante (tel le New York, à l'étonnant décor éclectique) et constituent toujours le passage obligé pour qui veut déguster, dans un cadre somptueux et parfois délicieusement suranné, les fameuses pâtisseries dites «viennoises». Pour les sorties nocturnes et plus branchées, le périmètre central de Pest possède un large éventail de lieux qui permettent de prolonger agréablement la nuit. Retrouver une certaine virginité semble aujourd'hui la quête de cette ville, désormais au centre d'une nouvelle Europe en voie de formation. Entre tradition et modernité, Budapest tente de pérenniser sa beauté, gommant parfois injustement les aléas d'une histoire récente, qu'elle tente d'oublier. Les curieux en mal de nostalgie ne doivent pas s'attendre à trouver à chaque coin de rue les stigmates d'un temps décomposé. La ville a fait peau neuve et, désormais, les vestiges du style réaliste socialiste font la joie des collectionneurs. Leur paradis se nomme Ecseri, le marché aux puces, qui recèle, dans un imposant bric-à-brac, les trésors issus des poubelles de l'Histoire. Les chineurs invétérés peuvent aussi arpenter celui du Varosliget ou «Bois de la ville», havre de verdure en plein Pest, qui accueille également la seule source de cette rive-ci du Danube, le bain Szechenyi. Quelle que soit la saison, on ne manque pas d'y apercevoir des joueurs d'échecs aquaphiles, déplaçant leurs pions sur des échiquiers flottants. Aux prémices du printemps, du haut d'un point culminant des collines de Buda, que l'on rejoint par un tram à crémaillère, s'élance le chemin de fer des Pionniers. Instrument de propagande des jeunesses communistes, ce train miniature est aujourd'hui encore administré par des enfants, chefs de gare et contrôleurs en culottes courtes, très respectueux de leur panoplie d'emprunt et du règlement qu'elle implique. Parcourant l'amphithéâtre des collines de Buda par ses lignes de crête, le convoi traverse sous-bois et landes, offrant de-ci de-là des plongées panoramiques exceptionnelles sur la métropole. D'ici, on pourrait convenir que Buda n'est pas loin d'incarner la boutade d'Alphonse Allais, qui rêvait d'installer les villes à la campagne! Autre reliquat socialiste, le parc Szobor ou «parc des Statues», sorte de «socialist land» du rebut artistique, implanté en bordure de Budapest. On y déambule dans un émouvant cimetière de statues, issues des canons de la propagande et arrachées aux diverses places de la ville. Mais qu'on ne se méprenne pas, Budapest n'a rien d'une ville musée imbibée des relents d'une splendeur passée. Pour preuve, avant que le projet ne soit finalement récusé par l'alternance politique, Budapest se proposait d'accueillir une Exposition internationale en 2016. Gageons que ce n'est que partie remise. C'est durant le septième mois lunaire (cette année, du 11 août au 10 septembre) que les fantômes envahissent Singapour... Les fantômes ont, dans le cœur des Européens, la couleur des histoires fantastiques que nous racontaient nos grand-mères dans la pénombre d'une lumière tamisée. Mais, dans la tradition chinoise, à Singapour, les fantômes ne sont plus les héros d'un conte. Ils ont une existence propre, et gare à celui qui ne les respecterait pas! Lors du septième mois lunaire, les portes de l'enfer et du purgatoire s'ouvrent, laissant s'échapper les fantômes affamés et de mauvaise humeur (ceux qui n'ont pas de descendance ou ceux dont la descendance se moque). Il faut donc les calmer par des offrandes et des divertissements. Les opéras chinois envahissent Singapour tandis que brûlent, dans les rues, des reproductions de billets de banque, de maisons, de voitures... C'est l'occasion d'immenses banquets où les fantômes ne goûteront qu'à l' «esprit» des aliments, la substance revenant aux humbles mortels. Il ne faudra pas nager non plus, ni se faire opérer et, encore moins, conduire trop vite. Au XVIIIe siècle, le voyageur allemand Kaempfer déclara à propos de la religion japonaise «... qu'en bref, le système entier des dieux du shinto est un tissu ridicule de fables monstrueuses et inacceptables». Qu'aurait-il pensé de Singapour à l'aube du IIIe millénaire?
Antique cité puritaine, la ville n'est pas restée figée dans son passé. Elle déborde d'activités et fait la part belle aux loisirs. Escapade printanière aux Pays-Bas entre Histoire et modernité
Située au cœur des Pays-Bas, nœud routier et ferroviaire, Utrecht la pragmatique, Utrecht la médiévale s'affirme comme un centre d'affaires et une ville universitaire vivante. Les marchands d'autrefois ont laissé leur empreinte sous forme de somptueuses demeures de brique qui bordent les canaux. Dès le printemps, les Utrechtois se précipitent sur les terrasses aménagées le long des vieux quais. Géraniums ou impatiens débordent en cascade des jardinières pour flirter avec le courant. Des mouettes et quelques cormorans égarés surveillent un lent trafic de bateaux-mouches, de voiliers et de canoës que manœuvrent filles ou garçons à la chevelure blonde comme les blés. Des étudiants en goguette, amateurs de concerts live et de cafés bruns, animent les bars jusqu'à l'aube. Utrecht compte 50 000 étudiants dont la présence turbulente a permis à l'antique cité puritaine de s'ouvrir à un hédonisme rigoureusement inconnu il y a peu. En effet, dans cette cité protestante, les catholiques eux-mêmes (ils représentent un tiers de la population) font preuve d'un esprit très... calviniste. La sacro-sainte bicyclette étant toujours un élément majeur de la vie hollandaise, il semble normal ici qu'un employé municipal ait à sa disposition - à l'image de l'austérité ambiante - un «vélo officiel» numéroté en guise de véhicule de fonction. La vieille ville se visite à pied ou, donc, à vélo. Pour comprendre sa structure, plutôt compliquée, il faut d'abord opérer un retour dans le temps. L'empereur Claudius décide d'utiliser la rive sud du Rhin comme frontière nord de l'empire. «C'est une vraie ligne Maginot à la romaine», souligne malicieusement l'archéologue Tarquinius Hoekstra. Une voie ainsi que des forts sont alors construits le long du fleuve, entre Bonn et Katwijk, jusqu'à la mer du Nord. En 47, les Romains élèvent ici un castellum. Plus tard, la cité s'inscrit dans un méandre de la Vecht, un affluent du Rhin. Puis les Francs congédient les dieux romains et installent le culte catholique sur le site de l'ancien temple: la nouvelle foi aide à combattre les tribus frisonnes, encore païennes. La Domkerk, la cathédrale, marque ainsi le cœur de la cité depuis le VIIe siècle. Ce monument offre aujourd'hui l'aspect d'une église d'un style gothique échevelé doté d'un arrogant campanile séparé de sa nef. Les quatre collégiales disposées en forme de croix, élevées au XIe siècle à proximité de la cathédrale, sont toujours debout. Utrecht se perçoit à cette époque comme une «Jérusalem terrestre», faite à l'image du paradis. Les Utrechtois obtiennent alors la charte de fondation de la cité avec autorisation de bâtir des remparts, tout en réservant des enclaves aux ecclésiastiques. De vastes terrains non construits y sont inclus. Voilà pourquoi la ville a pu vivre jusqu'au XIXe siècle à l'intérieur de ses murs. Les rues sinueuses contournaient autrefois les propriétés de l'Eglise, les monastères et autres couvents. La Réformation (1580) change tout. Les biens ecclésiastiques, confisqués, deviennent bâtiments officiels ou sont démolis. De discrètes églises catholiques, dites «clandestines», sans clocher, se multiplient du XVIIe siècle à la fin du XVIIIe. Bien qu'elles soient toujours fréquentées, il n'est pas si facile de différencier ces églises des habitations voisines. Aménagé dans un couvent carmélite désaffecté, Catharijneconvent, le musée de l'Histoire chrétienne aux Pays-Bas, montre, à travers peintures et objets liturgiques, le passage du catholicisme à la Réformation puis à la Contre-Réforme. Au hasard des salles, le visiteur découvre un Jérôme Bosch, un Rembrandt, un Frans Hals et le fameux portrait de Luther par son ami Cranach. Mais le tableau le plus fascinant est peut-être une caricature, réalisée par un calviniste anonyme, représentant le «pape en diable». Comme sur une carte à jouer, le dignitaire présente un double visage (en haut, il est coiffé d'une tiare pontificale remplacée, en bas, par des cornes démoniaques). Peinte vers 1600 et fixée sur une tournette par un conservateur espiègle, l'œuvre attire l'attention par son mouvement perpétuel sur l'une des cloisons du musée! Pour percevoir la densité de l'histoire utrechtoise, il suffit de flâner dans les arrière-cours labyrinthiques qui serpentent et communiquent derrière les maisons, ou d'aller boire une bière dans l'ancien couvent de l'ordre des chevaliers Teutoniques, devenu l'hôtel Karel-V, dont les bars et les salons fastueux sont toujours hantés par le souvenir de l'empereur Charles Quint, qui y a tenu un chapitre de l'ordre de la Toison d'or. Plus tard, Napoléon projeta de transformer une partie des bâtiments en hôpital militaire, ce qui fut fait vers 1830 - l'hôpital fonctionnait encore il y a dix ans. Avec ses peintures et ses souvenirs qui datent du XIVe siècle, la demeure du Commandeur, toujours propriété de l'ordre, accueille encore les réunions très privées des chevaliers portant manteau blanc à croix noire. Mais Utrecht n'est pas figée dans son passé, elle déborde d'activité depuis une trentaine d'années. Entreprises et banques ont investi les anciens faubourgs. L'industrie métallurgique est remplacée par des sociétés de services, d'électronique et par un parc d'expositions. Aujourd'hui, la ville, compacte, abrite plus de 230 000 habitants, parmi lesquels les étudiants vivent à l'aise malgré le coût élevé des logements. De son bureau aménagé à l'ombre de la cathédrale, Maarten van Buuren dirige depuis deux ans un centre d'études françaises qui se préoccupe d'améliorer les rapports commerciaux entre la France et les Pays-Bas. Ce n'est pas si facile: «Nous proposons des cours aux décideurs néerlandais qui souhaitent développer leurs exportations vers la France. En général, les échanges s'interrompent au niveau de la moitié nord de la Belgique, la frontière néerlandophone. Quand nos cadres se retrouvent en France, l'incompréhension est totale. Le plus souvent, les commerciaux français ne parlent pas l'anglais.» Surtout, le rituel interminable du déjeuner à la française, bien arrosé, cristallise le malentendu. Aux Pays-Bas, et en particulier à Utrecht la calviniste, on considère ce repas comme une perte de temps, chacun grignote son sandwich préparé à la maison en avalant un verre de lait. Mais le travail cesse en fin d'après-midi, laissant le temps à un dîner pris en famille puis à une soirée de balade à vélo. Si le travail reste prioritaire, la qualité de la vie et les loisirs ne sont pas négligés. En cette saison, par exemple, les parcs qui entourent les innombrables manoirs de la région deviennent luxuriants: décors de rêve, lieux privilégiés pour admirer tulipes, rhododendrons ou saules pleureurs, dont la beauté éphémère invite à la méditation. De restos clandestins en temples de la salsa, à bord d'un side-car ou d'une vieille voiture américaine, la capitale cubaine est un charmant mélange de fifties et de débrouille
Sous une pluie tropicale et dans un crissement de pneus, bien connu des amateurs de polar, une Buick orange des années 50 s'élance et épouse le Malecon (le front de mer), une courbe parfaite de 8 kilomètres, frangée de maisons coloniales, rafraîchies de peinture pastel offerte par l'Italie. Un trésor architectural, s'évanouissant derrière le pare-brise, entre deux ballets d'essuie-glaces actionnés à la main. De l'aéroport José-Marti, pour rejoindre le centre de La Havane, le premier réflexe d'un connaisseur, c'est effectivement de sauter dans l'un de ces particulares repérables à leur plaque. Vestiges de l'avant-castrisme, ces véhicules privés appartiennent désormais au patrimoine national. Tarif de la course: 8 dollars (contre 12 en taxi noir officiel), tchatche et musique cubaine en prime! Ainsi vit la bouillonnante Havane, une ville pas comme les autres. Seule au monde, de plus en plus débrouillarde et combinarde: une véritable société secrète s'y développe, sous perfusion, alimentée par le tourisme. Il faut faire vite, inventer, imaginer pour survivre et tenir le coup, face à l'injustice de l'embargo et à une crise économique sans fin. Le peso ne vaut plus rien, la chasse aux dollars bat son plein. Près de 200.000 Cubains proposent des services sauvages dans les rues, les bars, les restos privés, parfois clandestins, au fond des palais coloniaux, somptueux et décatis. Appliquée, méthodique, Margarita aligne une lime à ongles, une bouteille de vernis et trois boules de coton sur la petite serviette éponge de sa table de cuisine. Après un massage des mains dans les règles de l'art, elle empochera une poignée de dollars donnés par les «exilés», Cubains de Miami revenus profiter de tarifs sans concurrence. «Pensez donc, là-bas, impossible de se faire manucurer à moins de 30 dollars!» explique une dame obèse, ficelée dans son tee-shirt Chicago Bulls. Dans la pièce voisine, le mari de Margarita accepte de poser des bigoudis en échange d'un poulet! A deux pas de la cathédrale, dans son deux- pièces, sous le portrait du Che, Helena a dressé la table pour cinq, sur une toile cirée à l'effigie du pape. Au menu: boudin de porc et bananes frites pour 2 dollars par personne. Une fortune pour un Cubain dont le salaire avoisine les 10 dollars mensuels. Helena tient un paladar, un restaurant privé. On en dénombre plus de 400, tolérés par le gouvernement, du plus kitsch au plus somptueux. La plupart sont situés dans des maisons coloniales où l'on dîne à la table familiale parfois à la lueur des bougies, à cause des pannes de courant. Fondée par les Espagnols en 1519, déglinguée, en perpétuel chantier, la vieille ville au charme décadent est légitimement inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco. Les sites les plus prestigieux ont fait peau neuve (parfois trop), comme le palacio Santa Isabel, transformé en hôtel de luxe, les demeures de la plaza Vieja et l'étonnant hôtel 1900 aux vitraux Art déco, repeint en jaune, dont les escaliers vermoulus conduisaient dans le vide, il y a encore six mois. Mais il y a tant d'autres chefs-d'œuvre en ruine et de familles en danger sous les étais, que les Cubains n'attendent plus. Ils consolident avec des matériaux de récupération et badigeonnent à la peinture industrielle. Leur préoccupation: réussir l'impossible avec rien, comme ces pêcheurs qui traquent le barracuda, de nuit, embarqués sur des chambres à air de camion. Comme ce resto clandestin, installé sur le toit d'un immeuble du CDR (Comité de la Révolution): on y accède par un ascenseur poussif, actionné par une liftière «de garde». Sa terrasse possède l'une des plus belles vues sur la mer et ses cargos-mirages, et aussi sur les dalles roses et grises du Prado, ses lions, ses lampadaires de bronze et ses colonnes rouillées. De ce lieu stratégique, on voit défiler les couples du dimanche en partance pour Playas del Este, les plages populaires, entassés dans des taxis rafistolés. Mais, pour continuer à découvrir cette ville folle, il convient de suivre encore quelques rituels. Par exemple, boire un daiquiri au Floridita, estampillée à vie «Hemingway», servi par un expert. Ou encore à la Bodeguita del Medio, un lieu où défilèrent tous les éthyliques notoires, amateurs de pur mojito: une cuiller à café de sucre, un doigt de jus de citron, deux onces de rhum, une branche de menthe - bien macerada - un glaçon et du soda! On peut, en revanche et sans remords, faire l'impasse sur le cabaret Tropicana, à moins d'être un aficionado des revues aseptisées, type Moulin- Rouge, au profit de lieux plus chauds et spontanés. Comme le très chic Cecilia, où se produit parfois le prince du boléro. Ou à La Tropicale, dans les faubourgs de La Havane, où explose la timba: une nouvelle génération de salsa, cuivrée, électrique, speedée. Ses sonorités-frissons provoquent une véritable marée humaine, ondulant dans les vapeurs de rhum. Ensuite, on saute dans un vélo-taxi, propulsé par l'un de ces cyclistes rompus à tous les vents contraires de la jetée, à tous les lieux confidentiels de la ville et à toutes les tractations. Ainsi peut-on négocier une paire de baskets contre un aller au Riviera: l'ex-hôtel de la mafia américaine, fréquenté par Al Capone, un lieu figé dans les années 50. Depuis peu, le Fonds cubain de biens culturels s'intéresse à la déco intacte et d'origine du bar L'Elégant, du restaurant L'Aiglon et du Palacio de la salsa, dont les portes capitonnées ne parviennent plus à étouffer les rythmes des plus grandes formations du moment: El Paulito y su Elite et El Medico de la salsa, jusqu'à trente musiciens sur scène! Un tee-shirt contre une virée calle Emperado, Obispo, O'Reilly? Toutes ses rues ont leurs secrets, telle la pharmacie Johnson, fondée au début du siècle. Une merveille de boiseries et de loggias, de rampes en cuivre et de luminaires Tiffany, à peine identifiables sous la poussière. Calle Obispo, on s'arrête, le nez en l'air. Tous les styles architecturaux se côtoient: gothique espagnol, baroque et néobaroque créolisé, mudéjar et façades néoclassiques du plus pur style new- yorkais. Sur le Prado, l'ancien casino du temps de Batista, transformé en Palais des mariages, s'est «refait une virginité». Freddy, la gardienne, détient le planning des cérémonies, allant de pair avec le défilé des plus belles américaines de location. Mais, pour capter l'atmosphère caliente et très Caraïbes de La Havane, mieux vaut plonger dans ses nuits et dormir ne serait-ce qu'une fois au Nacional, hanté par les ombres de Marlon Brando et d'Errol Flynn. Ou encore dans le couvent de Santa Clara, véritable chef d'œuvre du XVIIIe siècle, rafraîchi par les ventilateurs des cellules monacales et le jardin sauvage du patio intérieur. Et, pour une immersion totale, rien de tel que de louer à la semaine l'une de ces maisons coloniales décaties du Vedado ou une villa avec piscine, style Playtime de Jacques Tati, dans l'ex-quartier résidentiel de Miramar, en bordure de mer. Sans oublier de sortir le mobilier qui dormait dans le garage depuis les années 60: le barbecue et les fauteuils en plastique de Verner Panton, un as du design. Dans la mer d'Andaman, près de l'île de Phuket, un étonnant amas d'îlots, souvent inaccessibles à pied, a gardé la mémoire d'une nature millénaire. Evasion et aventure garanties
Vus de loin sous le soleil étouffant de midi, alors que les ondes de chaleur font trembloter un horizon devenu pâle, les îlots de l'archipel thaïlandais de Trang n'ont pas fière allure. Ils tentent bien de se voiler dans leur manteau de végétation, mais leur malheur est trop évident. Tout les accable sous ces tropiques: la pluie, qui tombe dru en saison, s'allie au vent, à l'acidité des fientes d'oiseaux et aux racines pour attaquer la roche. La mer, surtout, rabote ses pieds. Méthodiquement, elle en grignote un bon mètre tous les cinq mille ans et, à force, ces gros pains de calcaire finissent un jour par s'effondrer lamentablement sous un modeste coup de tabac. Nés de l'eau, ils y retournent, en lambeaux, par l'érosion. Lorsqu'on les approche, ces îlots perdus dans la mer d'Andaman font forte impression: on les voit se transformer insensiblement en un archipel de forteresses minérales aussi spectaculaires que martiales. Comment expliquer que pareils monstres abrupts puissent exercer un tel charme? En vérité, tous les marins vous le diront, il faut se méfier de cette région de l'océan Indien. On y entre insouciant et, charmé par l'écrasante beauté, on perd tout discernement. Le malheur, ou la révélation, n'est alors plus très loin.. C'est donc fort logiquement ici que le cinéma place le Malin. Entre Trang et Phuket, James Bond est ainsi venu deux fois lui faire un sort et Leonardo DiCaprio y a cherché son Graal(voir plus haut), en fait un sanglant purgatoire. Alex Garland, l'auteur du roman qui inspira le film La Plage, l'avait pourtant bien écrit: la nature vraiment sauvage est d'autant plus perverse qu'elle connaît l'avidité que nous lui portons et notre faiblesse face à elle. Grand voyageur, il connaissait son affaire. En situant son histoire dans l'archipel de Trang, il a révélé la nature prodigieusement sauvage de cette région de l'Asie. Les îles de toute taille qui s'y égrènent sont pour la plupart inaccessibles, trop escarpées: il est difficile ou dangereux d'y débarquer. Seules les plus grandes, comme Ko Phi Phi Le, sont ourlées de plages immenses facilement aménageables pour les touristes. Les autres demeurent vierges. Les plantes qui les recouvrent sont celles qui les ont envahies il y a 18 000 ans. Les animaux y vivent comme au premier jour. L'écosystème fonctionne sans interférences humaines. Il est ce que nous cherchons tous, une nature à peu près préservée. Pour s'en convaincre, il faut y aller en voilier. Assis dans le vent, les pains de calcaire défilent alors calmement devant vos yeux et vous racontent leurs origines. Il y a 130 millions d'années, ils n'étaient encore que de petites colonies de coraux. Ces invertébrés marins sont des modèles réduits de leurs proches cousines, les anémones de mer. Ils vivent chacun dans un donjon de calcaire fabriqué à partir du calcium et du gaz carbonique de l'eau. Quand ils meurent, leur chair nourrit l'écosystème marin tropical et leurs squelettes sont bientôt recouverts par ceux de la génération suivante. D'année en année, les couches de coraux se sont ainsi accumulées jusqu'à former des massifs gigantesques. Il y a 75 millions d'années, les mouvements tectoniques de la région les ont asséchés et transformés en collines, proies faciles pour l'érosion. Des fissures sont apparues, des trous se sont creusés, une végétation s'y est installée. Vingt mille ans avant notre ère, le niveau de la mer est remonté, amplifiant le travail de sape. Les fissures sont devenues cavernes, les premières collines se sont effondrées. Les autres continuent de tomber en ruine. Les voyagistes qui vantent la destination en évoquant Robinson Crusoé exagèrent donc à peine. Sur les plages des petites îles, des arbres tombent, des macaques se promènent, des tortues pondent et des noix de coco tentent de s'enraciner sans que l'homme intervienne. On va à pied d'une île à l'autre à marée basse, ou à la nage. A Ko Mai Phai, des pêcheurs parfaitement isolés vivent dans de minuscules cabanes sur pilotis qu'ils louent parfois aux touristes. Ils piègent le calmar dans des casiers en osier et ne s'en plaignent pas: les eaux sont ici miraculeuses. Le récif corallien est sain, il nourrit et entretient un écosystème riche et très productif, en crevettes surtout: la Thaïlande est devenue, en peu de temps, l'un des premiers exportateurs mondiaux de ces crustacés. Mais, pour pallier l'inévitable chute des stocks, le pays a fortement investi dans l'élevage. Un choix que regrette le roi de Thaïlande: la surpêche guette déjà le royaume, et ses écloseries de crevettes détruisent les rivages. En effet, on les construit sur les côtes abritées, là où la mer est calme et où l'eau douce arrive, c'est-à-dire dans les zones de mangroves. Détruites, ces forêts «sur échasses» n'assurent plus leur fonction d'interface entre terre et mer ni celle de nurserie du monde sous-marin. Sans elles, les littoraux s'envasent inexorablement, ils s'asphyxient et s'appauvrissent, tandis que les récifs coralliens perdent beaucoup de la matière organique qui les alimente. Il faut alors déménager les élevages, au risque de détruire d'autres mangroves. Celles-ci ont beau être protégées depuis 1946, il n'en restait que 40% en 2014, soit 120 000 hectares, pour la plupart dans l'archipel de Trang. Le kayak de mer est idéal pour les découvrir. Silencieux, il vous emmène en eau peu profonde sans rien déranger. A Ko Chong Lat, par exemple, vous serez d'abord surpris par les délicates racines en «arcs-boutants» des Rhizophora, qui semblent hésiter à se mouiller les pieds. Ces palétuviers sont des pionniers qu'il faut savoir regarder d'un œil curieux: ils sont vivipares. Leurs graines, en forme de haricots gigantesques, germent sur l'arbre et attendent le dernier moment avant de se laisser tomber dans la vase, où elles se développeront rapidement. Les Avicennia et les Sonneratia se reproduisent de la même façon, mais, moins solides face à la mer, ils s'abritent derrière les palétuviers et respirent par d'étonnantes racines qui sortent de l'eau. A marée basse, on louvoie entre des stalagmites vivants, de surprenants tubas végétaux! Presque sur terre enfin, les Brughiera stabilisent définitivement le sédiment capté par les autres espèces. Au fil des siècles, les mangroves gagnent ainsi sur la mer en se fabriquant leur propre sol. Leur richesse en matière organique autant que l'entrelacs de leurs racines attirent les deux tiers des espèces marines du littoral, qui viennent y pondre. La nuit, elles sont le terrain de chasse des chauves-souris, qui sortent de leurs cavernes de calcaire. Au lever du soleil, elles y retournent en croisant les salanganes, qui, elles, sont des oiseaux diurnes. Ce sont ces fausses hirondelles, des martinets en fait, dont les Chinois aiment tant les fameux nids de gélose. Ainsi, dans ces îles de Trang, à force d'observation, tous les sens en éveil, il ne reste plus aux amateurs qu'à se laisser envoûter par la nature en mouvement. |
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